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De 1914 à 1926 La première mesure a été arrêtée par le Conseil fédéral déjà en 1914 - à une époque où la pénurie des logements était encore inconnue - pour venir en aide aux locataires dans la gêne. Valable dans la Suisse entière, l’arrêté accordait aux autorités cantonales compétentes la faculté de prolonger sur demande du locataire le délai à l’expiration duquel le bailleur pouvait requérir l’expulsion du locataire pour défaut de paiement. Un des effets les plus graves de la première guerre mondiale a été la pénurie de logements, due notamment à la forte réduction de l’activité de l’industrie privée du bâtiment, qui, avec le temps, s’accentua dans les grandes villes et les centres industriels et s’étendit finalement, avec une acuité différente, à la plus grande partie du pays. Le Conseil fédéral réagit par des dispositions visant à combattre la pénurie des logements en tant que telle ainsi que par des mesures visant à combattre les loyers excessifs. Ces dispositions n’étaient pas valables dans toute la Suisse, mais uniquement dans les cantons qui voulaient les appliquer sur tout ou partie de leur territoire. Cette solution fédéraliste était justifiée par le fait que la pénurie de logements ne se manifestait pas partout de la même manière. Les dispositions destinées à combattre la pénurie de logements en tant que telle restreignaient de manière considérable la garantie de la propriété, la liberté contractuelle et même la liberté d’établissement et de séjour. Parmi ces dispositions, qui punissaient de l‘amende les contreventions, il convient de mentionner les suivantes:
  • Interdiction, faite à des personnes suisses ou étrangères n’ayant aucune raison sérieuse de résider dans une commune du canton, de s’établir et de séjourner ainsi que, à titre exceptionnel, de continuer à séjourner dans cette commune.
  • Réquisition des locaux habitables inutilisés ou employés autrement que comme logements afin d’y loger, moyennant le paiement d’un loyer convenable, des personnes ou familles sans abri.
  • Interdiction de transformer des locaux habitables et d’en modifier l’arrangement en vue d’une autre affectation ainsi que de démolir des maisons d’habitation sans permis de l’autorité.
  • Interdiction de réunir un logis à un autre appartement indépendant sans permis de l’autorité.
  • Interdiction, sous peine de nullité, d’aliéner un immeuble acquis conventionnellement (c’est-à-dire par achat, échange, enchères ou donation) sans permis de l’autorité dans les trois ans qui suivent l’inscription du transfert de la propriété au Registre foncier.
  • Interdiction de détenir plusieurs logements indépendants et séparés, même si situés dans plusieurs localités toutes souffrantes de la pénurie.
  • Restrictions de l’exercice du commerce et du courtage professionnels d’immeubles, notamment obligation d’obtenir une concession.
  • Restrictions de l’exercice du commerce et du courtage professionnels d’immeubles, notamment obligation d’obtenir une concession.
Le Conseil fédéral prit également des mesures visant à combattre directement les loyers excessifs. Ces mesures étaient toujours accompagnées par des restrictions du droit de résiliation du bailleur. Sans ce complément nécessaire, le bailleur aurait en effet pu imposer au locataire toute augmentation du loyer par le simple moyen du congé. En 1917, le Conseil fédéral introduisit pour la première fois la surveillance des loyers, système en vertu duquel les augmentations de loyer sont en principe licites, mais peuvent être réduites par l’autorité, à la demande du locataire, lorsqu’il en résulte des loyers excessifs. Ainsi, cette année-là, un arrêté permit aux cantons de désigner des autorités qui, à la demande du locataire, pouvaient déclarer inadmissible tout ou partie d’une augmentation de loyer qui ne paraissait pas «justifiée par les circonstances du cas». Cette réglementation a été étendue une année plus tard aux augmentations de loyer signifiées par l’acquéreur de l’immeuble, qu’il ait repris ou non le bail. Reconnue insuffisante et défectueuse, la formule de 1917 fut remplacée en 1920 par une méthode de calcul du loyer admissible: le loyer était admissible lorsqu’il permettait au propriétaire de couvrir ses frais et coûts (intérêts hypothécaires, provisions et commissions, impôts et autres prestations de droit public, primes d’assurance, frais de réparations ordinaires, moins-values résultant de l’utilisation) et lui garantissait en outre un intérêt convenable du capital investi dans l’immeuble (prix du fonds, du bâtiment ainsi que des éventuelles transformations et rénovations). S’agissant de «l’intérêt convenable», il incombait aux cantons de fixer des chiffres, car les conditions relatives n’étaient pas les mêmes dans les différentes parties du pays. En règle générale, le maximum aurait dû correspondre à l’intérêt exigé par les banques pour la première hypothèque. Lorsque le loyer excédait le montant calculé selon ces principes, le locataire pouvait en demander la réduction. La requête pouvait avoir pour objet tant une augmentation de loyer que le loyer initial. Cette dernière possibilité – une nouveauté par rapport à la réglementation antérieure – avait pour le Conseil fédéral «quelque chose de choquant» parce qu’elle permettait «au preneur d’attaquer après coup le loyer dont lui-même était convenu. Mais il n’y avait pas d’autre remède, si l’on ne voulait pas aller beaucoup plus loin encore en faisant fixer le loyer d’emblée par l’autorité, c’est-à-dire en écartant le libre arrangement des parties.» Le loyer initial ne pouvait toutefois être baissé que s’il excédait d’une façon évidente le montant calculé conformément à l’arrêté et si le locataire l’avait accepté «dans la crainte fondée de ne pas trouver un autre logement». Les normes évoquées jusqu’ici furent en partie abrogées en 1922, les autres en 1925 avec effet au 1er novembre 1926 au plus tard. De 1926 à 1936 Pendant ces dix ans, les baux furent soumis uniquement à la réglementation du Code des obligations. De 1936 à 1945 Suite à la dévaluation du franc suisse de 1936, le Conseil fédéral a introduit pour la première fois un contrôle des loyers afin de combattre directement les loyers excessifs. En vertu de ce système, les augmentations de loyer sont en principe interdites, mais peuvent être autorisées par l’autorité. L’autorisation peut être accordée, sur requête du bailleur, dans un cas particulier (par ex. en cas de prestations supplémentaires) ou de manière générale (par ex. en cas de hausse des intérêts hypothécaires). Ainsi, un arrêté du Conseil fédéral et une ordonnance du DFEP de 1936 ont interdit l’augmentation des «prix des baux à loyer et à ferme» sans l’autorisation du Département ou des organes désignés par lui. Le système du contrôle des loyers fut repris par un arrêté du Conseil fédéral et une ordonnance du DFEP de 1939, qui soumettaient à l’autorisation du Service du contrôle des prix les augmentations des loyers allant au-delà de leur niveau effectif à la date référence du 1er août 1939 ainsi que les loyers des logements loués pour la première fois après cette date. L’autorité pouvait en outre réduire les loyers injustifiés. N’étaient pas justifiés les loyers qui procuraient un gain au bailleur et ne servaient donc pas uniquement à couvrir ses frais et coûts et à le rémunérer pour le capital investi dans l’immeuble. Le propriétaire d’un immeuble n’exerçait en effet ni un art ni un métier pouvant justifier un gain. Dès 1939, l’autorisation était accordée par une autorité cantonale. En 1941, les immeubles bâtis ou loués pour la première fois après le 31 août 1939 furent également soumis à cette réglementation. Toujours en 1941 furent réintroduites les restrictions de la liberté d’établissement ou de séjour et la réquisition des locaux habitables vacants, qui furent toutefois abrogées en 1949, respectivement en 1952. De 1946 à 1970 La fin de la Seconde Guerre mondiale n’a pas signifié la fin des mesures protectrices contre les loyers excessifs. Ainsi, en 1946 certaines dispositions de 1941 ont été abrogées, mais le contrôle des loyers a été maintenu. Le régime de protection contre les loyers excessifs a été corrigé en 1950 par une autorisation générale, accordée par le Service du contrôle des prix, d’augmenter de 10%, en deux étapes, les loyers qui n’avaient pas été augmentés depuis le 31 décembre 1943; les autres loyers pouvaient être augmentés jusqu’à concurrence de 10%. Un arrêté fédéral de 1953 a soumis à autorisation les augmentations de loyer dépassant leur niveau licite du 31 décembre 1953 ainsi que les loyers des choses louées pour la première fois après cette date. Une exception était prévue pour les nouvelles constructions prêtes à être occupées après le 31 décembre 1946. Lorsque le propriétaire fournissait des prestations supplémentaires, l’augmentation maximale du loyer maximum était fixée par une autorisation individuelle en tenant compte du coût de ces prestations. Une autorisation individuelle était également nécessaire lorsque l’immeuble était loué pour la première fois; le loyer maximum était alors fixé par comparaison avec les loyers usuels pratiqués dans le quartier pour des immeubles de valeur locative semblable construits à la même époque. En vue de rétablir un marché libre des logements, cet arrêté permettait à l’autorité compétente de supprimer le contrôle des loyers pour des régions ou des localités déterminées ou pour certaines catégories de choses ainsi que d’autoriser d’une manière générale des augmentations de loyer dont elle aurait fixé la mesure et la date. Un premier pas dans cette direction a été fait en 1954 en autorisant des augmentations de loyer de 5% au maximum. Partant de l’idée que le rétablissement de la liberté du marché du logement était le but à poursuivre, un arrêté fédéral de 1956 accorda au Conseil fédéral la compétence d’autoriser d’une manière générale des hausses de loyer et d’exclure du contrôle tout ou partie du territoire d’un canton ou certaines catégories de choses. Cependant, le régime du contrôle de 1953 a été repris par une ordonnance de la même année, prévoyant une nouvelle date de référence, le 31 décembre 1956, et une nouvelle exception : les immeubles libérés jusqu’au 31 décembre 1956 n’étaient pas soumis au contrôle. Il prévoyait en outre qu’une autorisation individuelle pouvait être accordée afin d’augmenter les loyers inférieurs aux loyers usuels dans le quartier pour des immeubles semblables. En 1957, une nouvelle autorisation générale a permis d’augmenter les loyers de 5%. Un arrêté fédéral de 1960 prévoyait encore tant le contrôle que la surveillance des loyers. Ainsi, les loyers non libérés avant le 31 décembre 1960 et les majorations de loyer étaient soumis à une autorisation, qui était notamment accordée lorsque le propriétaire augmentait ses prestations ou lorsque le loyer était inférieur aux loyers usuels dans le quartier. Mais le contrôle des loyers devait être «assoupli graduellement en vue de rétablir la liberté du marché du logement». A cette fin, le Conseil fédéral pouvait autoriser, «dans la mesure où cela pourra se faire sans troubles pour l’économie ni conséquences d’ordre social trop rigoureuses», des hausses générales permettant d’adapter les loyers à ceux qui étaient soumis à la surveillance et de les rapprocher progressivement de ceux qui étaient libres, ou encore libérer du contrôle certaines catégories d’objets ou certaines régions ou localités. La surveillance des loyers, quant à elle, devait en principe permettre une libre formation des loyers, tout en garantissant les locataires contre des hausses excessives et des résiliations injustifiées. Le bailleur pouvait dès lors majorer le loyer sans autorisation officielle, mais si le loyer exigé dépassait de plus de 5% le niveau licite au moment de l’instauration de la surveillance, le locataire pouvait s’y opposer. Faute d’entente entre les parties, le loyer admissible était fixé par l’autorité saisie de l’opposition; sauf motifs particuliers, la hausse ne devait pas dépasser 3 à 5% par année. Enfin, les services cantonaux compétents pouvaient abaisser d’office les loyers manifestement excessifs. Un arrêté fédéral de 1965, auquel n’étaient pas soumis les loyers libérés jusqu’au 31 décembre 1965, maintint le système du contrôle des loyers jusqu’au 31 décembre 1966 au plus tard, mais il en limita l’application à 25 communes (Bâle, Genève et Lausanne et leurs agglomérations). Le Conseil fédéral pouvait en outre le remplacer déjà avant par la surveillance des loyers dans toutes ou partie des communes. En ce qui concerne la surveillance des loyers, cet Arrêté reprit pour l’essentiel la réglementation de 1960. La validité de l’arrêté de 1965 a été prorogée d’un an par l’arrêté fédéral urgent du 19 décembre 1969. La surveillance des loyers a pris ainsi fin le 18 décembre 1970. Conclusion Il ressort de l’aperçu précédent que l’intensité des mesures prises par le Conseil fédéral et le Parlement afin de protéger les locataires contre les loyers excessifs s’est affaiblie avec le temps: les dispositions les plus incisives, celles qui combattaient la pénurie de logements en tant que telle, ont été les premières à être abrogées; le contrôle des loyers a été limité à un nombre de communes et à un nombre de catégories d’immeubles de plus en plus restreints; un nombre croissant d’exceptions, notamment des autorisations générales d’augmenter les loyers, a limité la portée pratique tant du contrôle que de la surveillance de loyers. Le Conseil fédéral a justifié cette évolution avec les additifs constitutionnels du 24 mars 1960 et du 9 octobre 1964 qui – comme ceux de 1952 et de 1956 – donnaient à la Confédération la compétence d’édicter des «prescriptions sur les loyers et les fermages non agricoles ainsi que sur la protection des locataires», mais qui demandaient en outre un assouplissement graduel des prescriptions sur les loyers. Il n’en reste pas moins qu’en novembre 1969 le Conseil fédéral a estimé que «le droit d’urgence en matière de loyers»était «appliqué dans 419 des 3087 communes que compte le pays» et s’étendait encore «à 24 pour cent de l’ensemble des logements».

Giacomo Roncoroni Spécialiste Droit du bail

11 février 2015
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