Les locataires sont représentés de manière inversement proportionnelle à leur force au sein du Conseil national. Une analyse des votations récentes le démontre.
Le 30 mai 2024, lors de la session d’été du Parlement, le Conseil national a refusé par 125 voix contre 61 d’introduire un droit pour les locataires de revenir habiter dans leur immeuble à la suite de travaux de rénovation. Comment une proposition, frappée au coin du bon sens, a-t-elle pu être refusée par la Chambre du peuple dans de telles proportions? Comment le Parlement peut-il voter contre l’intérêt d’une large majorité de la population? Il nous faut à ce stade rappeler les bases de notre système. En Suisse, l’élection du Conseil national a lieu au système proportionnel depuis 1919. Ce mode de scrutin permet une meilleure représentation de la diversité des opinions et une plus juste représentation des forces en présence. Fin 2022, la Suisse comptait 2,4 millions de ménages de locataires, soit 61% des ménages de Suisse. Les cantons urbains de Bâle-Ville et de Genève ont, quant à eux, la plus forte représentation de locataires du pays avec respectivement 83% et 78% des ménages.
Deux tiers des textes sont balayés
Dans un pays comme la Suisse, qui est composé à deux tiers de locataires, on pourrait imaginer que la Chambre du peuple reflète la même proportion de voix en faveur des locataires. Or il s’avère que les locataires sont représentés de manière inversement proportionnelle à leur force au sein du Conseil national. Elles et ils représentent deux tiers de la population, mais les textes et propositions en faveur d’un renforcement de leurs droits sont systématiquement balayés par deux tiers du Parlement.
Voici quelques exemples de votes qui ont eu lieu au Conseil national depuis le début de la législature, en décembre 2023:
- Initiative Imboden: Améliorer la transparence des loyers, 116 contre, 71 pour, 4 abstentions;
- Initiative du canton de Genève: Pour limiter le droit des bailleurs de résilier le contrat de bail des personnes de plus de 65 ans, 122 contre, 60 pour, 2 abstentions;
- Initiative Marra: Introduction d’une trêve hiver nale, 130 contre, 61 pour, 1 abstention;
- Initiative Marti: Droit des locataires de revenir dans leur immeuble après travaux, 125 contre, 61 pour, 3 abstentions;
- Motion Flach: Pour des loyers plus transparents lors de la conclusion de nouveaux contrats de bail, 117 contre, 73 pour, 2 abstentions;
- Motion Dandrès: Protéger les locataires contre les loyers abusifs en période d’inflation, 130 contre, 61 pour;
- Motion Glättli: Hausse des prix de l’énergie, supprimer les mauvaises incitations pour les propriétaires, 126 contre, 69 pour.
Et on pourrait en citer encore des dizaines d’autres. Ce constat permet de nous rappeler que certaines majorités dans la population peuvent se retrouver minorisées au sein du Parlement par la force des lobbies.
La force surdimensionnée des lobbys
Celui de l’immobilier est très présent, nette ment majoritaire parmi les forces politiques de droite. Hormis quelques exceptions chez les centristes et les Vert’libéraux, qui se comptent sur les doigts d’une main, l’on peut ici affirmer, données à l’appui, que seuls les représentants des Vert·e·s et des socialistes soutiennent, systématiquement et de manière collégiale, les propositions en faveur des locataires. Au vu des forces en présence, il ne sera possible d’apporter des améliorations substantielles pour les locataires que par le biais du vote populaire. Faire parler les deux tiers des locataires de notre pays en faveur de leurs intérêts: voici notre objectif pour les pro chaines votations du 24 novembre 2024.
Jessica Jaccoud
Conseillère nationale
ASLOCA Vaud