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Depuis quelques années, les bailleurs proposent aux locataires de convenir de baux indexés. Ce régime est adossé au coût de la vie. Or l’inflation sévit.

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La fixation du loyer des habitations et locaux commerciaux connaît en Suisse plusieurs systèmes possibles régis par le Code des obligations. Le régime «classique» pour les logements s’applique quand les parties au bail n’ont pas prévu autre chose. Il présume que le loyer convenu entre elles couvre les frais du bailleur, y compris une marge de profit convenable. Ledit régime varie ainsi uniquement quand les coûts qu’il est supposé couvrir augmentent ou diminuent. Le plus fréquent des facteurs influençant le loyer dans ce régime ordinaire est le fameux taux hypothécaire. Celui-ci est présumé refléter les coûts des emprunts grevant l’immeuble du bailleur. Si le taux fléchit, le loyer doit diminuer en conséquence. Sauf si la baisse induite par la décrue des taux d’intérêt est compensée en partie par d’autres facteurs, comme des travaux à plus-value effectués par le bailleur, par exemple la pose de double vitrage.

Un régime dérogatoire
Le Code des obligations prévoit aussi un régime dérogatoire, dit des «loyers indexés». Il s’applique si le contrat le prévoit clairement, si sa durée est d’au moins cinq ans et que le loyer
suit l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (ISPC). En pareil cas, pendant la période de cinq ans du bail, peu importe que le taux hypothécaire baisse, seule compte pour déterminer le loyer la variation de l’ISPC. C’est une sorte de panier de la ménagère, dont on examine chaque mois comment les prix des produits qu’il comprend fluctuent. En clair, s’il y a de l’inflation, le loyer est majoré. Or l’inflation est de retour! Si l’on s’attache juste aux douze derniers mois, elle a été de 3,3%. La Banque nationale suisse prévoit pour 2023 qu’elle s’inscrira à 2,4%, puis en 2024 à 1,7%. Cela signifie qu’un loyer de 1000 francs en 2021 passera, s’il est indexable, à 1033 francs en 2022, à 1058 francs en 2023 et à 1076 francs en 2024. Avez-vous remarqué quelque chose? Il est faux de penser que 3,3% + 2,4% + 1.7% équivaudrait à une hausse de 7,4%. Car l’inflation se cumule.

Au final, les baux à loyer indexé ne sont pas un cadeau.

Ce qui signifie que le loyer de 1000 francs ne passera pas à 1074 francs, mais à 1076 francs. Cet effet d’amplification est augmenté par le fait que l’évolution de l’indice des prix est grandement influencée par les loyers, qui forment environ 20% du panier utilisé pour calculer l’ISPC. Donc, si les loyers augmentent, l’indice des prix part à la hausse. Effet boule de neige garanti! Cela est préoccupant, puisque les revenus des Suisses ne sont pas indexés à l’inflation. Ils ont donc affiché une baisse en terme réels au fil des dernières années.

Des charges qui explosent
Sans parler des frais accessoires (chauffage et eau chaude), payés séparément du loyer, qui vont exploser pour la saison 2022-2023, pour des raisons géopolitiques qui échappent aux locataires et aux bailleurs certes, mais aussi des motifs bien plus proches d’eux: les immeubles sont mal isolés, car les propriétaires n’ont pas accompli les travaux d’isolation
des immeubles qu’il aurait fallu faire depuis 20 ans au moins. En synthèse: les baux à loyer indexé ne sont pas un cadeau. Les prévisions d’inflation sont selon certains économistes supérieures à 3% à l’avenir. Dernièrement, le Tribunal fédéral a en outre fermé la porte à qui voudrait faire vérifier que son loyer n’est pas devenu abusif au fil des indexations. Il faut donc être prudent en la matière et ne pas prendre pour argent comptant les boniments des régies à ce sujet.

Pierre Stastny
Juriste répondant
ASLOCA Genève

14 novembre 2022
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