Quand sévit une pénurie de logements, le Code des obligations consacre le droit du locataire de signer un bail puis de contester le loyer convenu. C’est un acte citoyen.
Il est régulièrement question dans les médias de la hausse fatale des loyers, qui serait comme divinement déterminée par la loi du marché, selon la simple équation : moins de logements vides = prix qui montent. D’un autre côté, le taux hypothécaire baisse, et donc les frais de financement des propriétaires, de sorte que les loyers devraient baisser d’après la loi. En tel contexte, le Conseil fédéral a modifié son ordonnance sur le bail à loyer pour mieux informer les locataires de leurs possibilités de contester le loyer initial. Comme le prescrit la Constitution fédérale, les locataires sont protégés contre les abus en matière de loyers. Ce n’est donc pas le « marché » qui fait loi !
La barre fatidique des 30 jours
Le Code des obligations consacre le droit du locataire, quand sévit une pénurie de logements, de signer un bail puis de contester le loyer convenu. Trahison ! s’égosillent les milieux immobiliers. En vérité, il s’agit d’un simple rééquilibrage des forces par la loi. La pénurie de logements entraîne une hausse aberrante des loyers à la signature d’un nouveau bail. Or, qui peut donc négocier un loyer à la conclusion du contrat ? Personne. Quel autre moyen alors que celui de conclure le bail à des conditions abusives, puis de saisir l’institution de conciliation pour faire corriger l’abus ? Aucun.
L’exercice de ce droit est soumis à un délai de 30 jours, à compter de la prise des clés du logement. Une fois un loyer accepté, il ne peut plus jamais être remis en question, même si on le sait exagéré. Et cela se perpétue tout au long du bail. Si les taux hypothécaires remontent, le loyer sera encore rehaussé. Si le contrat prévoit des échelons de loyers (par exemple 2000 francs par mois la première année, puis 2200 francs la deuxième, etc.), ils ne sont plus contestables 30 jours après l’entrée dans le bien, même s’ils prendront effet des années après.
Droit au logement et pénurie
Pour éviter cet effet de gonflement des loyers et favoriser la contestation du loyer en toute connaissance de cause, le Conseil fédéral prescrit aux régies d’informer les locataires, à la signature du bail, non seulement du prix que payait le précédent locataire, mais aussi désormais des bases de calcul sur lesquelles se fondait ledit loyer (taux hypothécaire, notamment). Ainsi, si le nouveau preneur constate que le loyer explose au changement de locataire alors que le taux de référence hypothécaire aurait justifié une baisse de loyer, cela donne un indice d’abus, qui peut le légitimer à franchir le pas de la contestation.
Des exemples de diminution de loyer
Un loyer peut-il vraiment être diminué ? Oui. C’est ce que montrent les exemples réels qui suivent, tirés de l’expérience du secrétariat juridique de l’ASLOCA Genève, dans les premiers mois de l’année 2025 :
- Appartement de 4,5 pièces dans la ville sarde de Carouge loué initialement 3085 francs par mois ; loyer ramené, sur la base d’un calcul de rendement, à 2390 francs par mois.
- Logement de 3 pièces dans le quartier populaire de la Jonction, loué à l’origine 1950 francs ; loyer ramené à 1250 francs après saisine de l’institution de conciliation.
- Appartement de 5 pièces à Saint-Jean, joli quartier proche des falaises du Rhône, loué 3091 francs ; loyer ramené après contestation à 2399 francs par mois.
Tempérer les hausses dans le quartier
Les exemples pourraient être égrenés encore et encore. Ils démontrent qu’il est sage de contester le loyer dès le début du bail, quand faire se peut. Les consultants juridiques de l’ASLOCA sont là pour renseigner sur les possibilités de le faire, les démarches à accomplir, les gains potentiels, etc. Le plus souvent, le gain sera de quelques centaines de francs par mois, mais les exemples ci-dessus illustrent qu’il n’est pas rare que cela s’avère être plus. Tout dépend des circonstances du cas.
Moralité : la contestation du loyer initial est utile, et pas seulement pour le locataire concerné. Elle sert aussi son successeur et tempère la hausse des loyers dans le quartier.
Pierre Stastny
Juriste répondant
ASLOCA Genève