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Les citoyennes et les citoyens ont tranché. Le 28 septembre, l’imposition de la valeur locative a été supprimée. Il s’agit là d’une révolution fiscale.

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Comme cela a été explicité pendant la campagne et dénoncé par l’ASLOCA, la réforme génère une inégalité fiscale entre locataires et propriétaires et entre propriétaires eux-mêmes, favorisant surtout les plus riches. Une réforme fiscale visant les cas de rigueur, tout particulièrement les retraité·e·s, disposant de faibles ressources et occupant un logement dont l’hypothèque a été complètement remboursée, aurait largement permis de résoudre le problème existant, sans supprimer un impôt juste. Le résultat en a surpris plus d’un, notamment des élu·e·s proches des milieux immobiliers qui déclaraient en privé, quelques jours avant le scrutin, que le vote était malheureusement perdu.

La géographie du vote est claire. En Suisse romande, la majorité de la population et la totalité des cantons ont refusé la suppression de l’impôt sur la valeur locative. En cela, la Suisse romande confirme deux choix politiques exprimés à plusieurs reprises. Premièrement, le rejet de cadeaux fiscaux aux plus nantis, comme le refus en 2022 de la suppression du droit de timbre et de l’impôt anticipé pour les gros investisseurs. Deuxièmement, la volonté d’éviter des injustices à l’égard des locataires, ce qui a amené les citoyennes et citoyens romands à accepter l’initiative de l’ASLOCA «Pour des logements abordables» en 2020 ainsi qu’à rejeter les deux réformes scélérates du droit bail en novembre 2024. En Suisse alémanique, à part le canton de Bâle-Ville, qui a voté comme les cantons romands, tous les cantons ont accepté la suppression de l’imposition de la valeur locative avec des majorités populaires se situant entre 60% et 70%. Un résultat étonnant et inattendu, contredisant les sondages publiés les semaines précédentes.

Une des explications avancées pour comprendre ce clivage politique est de nature fiscale. Les administrations fiscales des cantons suisses alémaniques auraient appliqué avec plus de conséquences l’imposition de la valeur locative. L’impôt payé serait dans ces cantons plus élevé que dans les cantons romands. Mais cela n’explique pas comment une part importante des locataires ont voté en faveur de cette réforme. Nous pensons que le succès auprès d’une aussi large part de l’électorat est à rechercher bien plus dans le travail de sape idéologique que le HEV (l’association des propriétaires suisses alémaniques) a mené depuis plusieurs décennies contre l’imposition de la valeur locative. Lui qui a inlassablement répété que la valeur locative était un revenu fictif, alors qu’il s’agit d’un revenu en nature.

La leçon que peut en tirer l’ASLOCA, c’est qu’elle doit aussi mener, sans relâche, un fort travail de persuasion, tout particulièrement en Suisse alémanique, auprès de l’ensemble de la population, afin de convaincre l’électorat que la protection des locataires contre les loyers abusifs passe par un contrôle étatique régulier et automatique des loyers. C’est un défi que le comité et le secrétariat de l’ASLOCA Suisse ainsi que les sections de notre mouvement ont déjà relevé.

Cela étant, le débat sur la valeur locative n’est malheureusement pas clos. En effet, les milieux immobiliers veulent non seulement le beurre mais également l’argent du beurre. Ainsi, alors que le verdict des urnes n’était pas encore définitif, certains parlementaires, porte-paroles pavloviens des milieux immobiliers, annonçaient déjà avec une impudence sans pareille qu’il y avait urgence à réintroduire les déductions fiscales pour les travaux sur les immeubles occupés par leur propriétaire, que la loi venait de supprimer. Une aberration fiscale consistant à vouloir des déductions sur un revenu qui n’existe plus. Ce serait comme permettre à un retraité, qui n’a plus de revenu du travail, de déduire des frais professionnels. Mais, on le sait, l’arrogance politique des milieux immobiliers est sans limites. Dès la session parlementaire prochaine, avant même que la réforme soit en force, les propositions dans ce sens vont fleurir. Cela aboutira à n’en pas douter à l’adoption de nouvelles lois fiscales scandaleuses visant un nouveau privilège pour les propriétaires de leur logement, alors que les locataires, donc la majorité du peuple, restent soumis à des loyers abusifs toujours plus chers.

C’est en raison de ce risque de réintroduction des déductions fiscales postérieurement à l’abolition de l’imposition de la valeur locative que le soussigné a toujours réclamé que la suppression de la valeur locative et celle, définitive des déductions fiscales soient inscrites dans la Constitution fédérale. La salutaire méfiance comme la résistance déterminée face aux milieux immobiliers sont plus que jamais nécessaires.

Carlo Sommaruga,
Président de l'ASLOCA Suisse

11 novembre 2025
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