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A Lausanne, la situation est similaire à celle de Genève. Il y a des locaux commerciaux vides, mais ils sont à des prix inabordables.
Philippe Bovet, commerçant et président de la Société coopérative des commerçants lausannois (SCCL), confirme: «Il y a une pénurie de locaux à tarif abordable. La Ville a beaucoup insisté auprès des promoteurs pour que les loyers d’appartements soient bon marché, mais cela se répercute malheureusement sur les commerçants, puisque les propriétaires veulent quand même faire des bénéfices sur leurs immeubles.» Il y a une grande inertie, car les propriétaires n’acceptent pas de descendre les prix et préfèrent garder des locaux vides en attendant que les affaires reprennent.

Du côté des autorités communales, elles ont créé il y a plus de dix ans le City Management, quasi unique en Suisse romande, en collaboration avec des acteurs économiques majeurs de la Ville. Celui-ci, renommé récemment Fondation pour le commerce lausannois, a pour but d’assurer la promotion et le développement du commerce en ville de Lausanne, par l’organisation de manifestations, mais aussi par d’autres actions visant à améliorer l’accès, la visibilité et la rentabilité des commerçants.
Claude Grin, docteur en anthropologie, a mené une étude sur la situation et l’avenir du commerce lausannois. Il y explique que les loyers des boutiques appartenant à des privés restent souvent trop élevés. «De plus en plus de villes européennes développent des actions publiques par le biais de sociétés d’économie mixte alimentées par des fonds publics et privés. Ces sociétés agissent directement soit en rachetant des locaux devenus vacants, soit en établissant des protocoles d’accord avec des bailleurs, quitte à faire pression sur eux en les menaçant de préemption. Cela s’est fait notamment à Paris, avec succès. Ces opérations permettent de modifier la physionomie de certaines rues en y réintroduisant de petits commerces indépendants de proximité.» Il y préconise la mise en place d’actions publiques et la gestion de l’activité commerciale. En d’autres mots, d’être proactif, en soutenant l’implantation de commerces indépendants.

Un postulat d’un autre genre (voir ci-contre) a été déposé au printemps 2018 et est actuellement en discussion au sein des autorités de Lausanne. Celui-ci demande l’instauration d’une taxe pour les propriétaires qui laisseraient une surface commerciale vacante.

Quelques questions à Denis Corboz, conseiller communal lausannois et auteur du postulat prônant une taxe incitative contre les loyers excessifs des surfaces commerciales.

Des vitrines restent vides durant des mois au centre-ville de Lausanne. Selon vous, cela n’est dû qu’à des loyers excessifs?
La plupart des acteurs de la branche le pensent en effet, et je les rejoins: ce sont notamment des loyers excessifs qui génèrent des surfaces commerciales vides. Ces surfaces se situent en majorité dans l’hypercentre et donnent une impression de morosité économique.

Y a-t-il déjà eu des actions concrètes de la part de la Ville de Lausanne?
Lorsque la Ville est propriétaire de surfaces commerciales, elle pratique des loyers abordables et veille à la mixité des acteurs. Mais acheter dans le centre est compliqué, car les prix sont très élevés et la Municipalité se concentre sur le logement. Mais, à travers son soutien aux activités de promotion économique, à l’animation culturelle et festive du centre-ville, elle agit déjà concrètement.

Votre solution serait de taxer les propriétaires afin qu’ils baissent les loyers. N’y a-t-il pas d’autres moyens de faire pression?
Mon postulat propose une mesure qui poussera les propriétaires à retrouver plus rapidement un commerçant, sinon ils devront, après une période donnée, payer une taxe si le local reste vacant. Ce n’est pas la solution qui résoudra tout, mais elle apportera une contribution nécessaire face à la logique strictement financière de certains propriétaires.

Quelle est la marge de manœuvre des autorités?
La marge de manœuvre existe, la loi sur les impôts communaux permet à la Ville de Lausanne de prélever une taxe et l’oblige à reverser ce montant à la promotion économique de la ville.

Comment taxerait-on exactement les propriétaires?
Cette taxe doit d’abord être délimitée à un périmètre dans Lausanne. Il serait déraisonnable d’appliquer une taxe à un local commercial de quelques mètres carrés dans un quartier résidentiel.

Comment un propriétaire peut-il se permettre ainsi de garder son local vide durant des mois voire des années?
C’est un pari pour chaque propriétaire: accepter un loyer plus bas pour plusieurs années, ou attendre encore avec un local vide, en espérant trouver un locataire? Le loyer annuel détermine la valeur d’un bien.

Où en est ce projet?
Le postulat sera soumis au Conseil communal prochainement. Sa mise en œuvre prendra encore du temps. Nous ne suspendons pour autant pas notre soutien à toutes les autres mesures en faveur de l’animation du centre-ville. La remise en route du Marché de Noël fin 2018 en est un excellent exemple.

19 mars 2019
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