Les hausses de loyer et des charges conduisent à une augmentation des expulsions en Suisse romande. Perdre son chez-soi est dramatique, mais le Parlement reste coi.
Ce sont des chiffres sans appel. Ces derniers mois, les expulsions de locataires en Suisse romande ont explosé. A Lausanne, elles sont passées de 103 en 2020 à 152 en 2024. Dans tout l’Ouest lausannois, la hausse s’élève à 12%. A Genève, 239 interventions de police pour évacuation ont été enregistrées en 2024, un record depuis 2016. En Valais, le nombre de demandes d’aide auprès d’ImmoSolidaire est passé de 120 en 2020 à 761 en 2024, et pourrait dépasser le millier cette année. Dans le canton de Neuchâtel, le nombre d’expulsions est passé de 60 en 2020 à 90 en 2024. La section neuchâteloise de l’ASLOCA observe que la forte hausse de certains décomptes de charges et de chauffage met en difficulté les locataires défavorisés. Ces expulsions ne sont pas qu’un coup dur financier: elles brisent des trajectoires de vie, entraînant des drames humains. La perte forcée d’un toit conduit à une précarité résidentielle. Les difficultés à se reloger sont considérables — l’historique d’impayés devient un frein majeur sur un marché déjà tendu — et les familles monoparentales, les seniors et les personnes à faible revenu y sont sur-représentées. Les effets sur les enfants sont particulièrement dramatiques: perturbation de la scolarité, fracture sociale et traumatismes psychologiques durables. Sur le plan collectif, les coûts sont également considérables: intervention des services sociaux, relogement d’urgence, consultations juridiques, accompagnement psychologique. Autant de ressources qui s’évaporent dans une réponse à la crise plutôt qu’à sa prévention.
Un pays gouverné par des propriétaires
Plusieurs phénomènes peuvent expliquer ces expulsions en hausse. D’abord, il y a les hausses de loyer en Suisse: de 30% en 20 ans selon l’Office fédéral de la statistique,
voire de 50% dans certaines régions. Elles sont couplées avec la baisse de la capacité financière des classes moyennes. Les praticiens du logement notent également une
dureté de plus en plus marquée des bailleurs financiers, comme les banques ou les fonds de placement, à trouver une solution à l’amiable. A quoi bon fournir un effort quand des dizaines de candidats à la location attendent qu’un logement se libère?! Avec une hausse à la clef. Cette situation n’est pas une fatalité issue d’un dysfonctionnement du marché, c’est une défaillance de la politique publique. La Suisse est un pays de locataires gouverné par des propriétaires. Deux tiers des ménages vivent en location, mais le Parlement – où les propriétaires sont en majorité – rejette systématiquement toute mesure de contrôle des loyers, de protection contre les résiliations abusives ou de soutien ciblé aux personnes fragiles.
Les coûts humains d’une expulsion
Tant que cette réalité ne changera pas, les locataires resteront vulnérables. L’ASLOCA ne voit qu’un remède: placer le pouvoir entre les mains du peuple. Parce que le droit au logement est un droit fondamental. Parce que personne ne devrait perdre son toit à cause d’un loyer devenu inabordable. Parce que les coûts humains et collectifs d’une expulsion ne sont jamais compensés, tandis que des solutions sont à portée de main. Le marché construit l’injustice, que le Parlement l’entretient. A nous, locataires, de faire entendre notre voix.
Jessica Jaccoud
Conseillère nationale
ASLOCA Vaud