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A la construction d’un immeuble, le coût d’une place de parc est extrêmement élevé. En Suisse, il se monte au minimum à 30 000 francs par place en parking souterrain. Or, dans les grandes villes, les citadins ont de moins en moins fréquemment une voiture. Alors est-ce vraiment nécessaire d’avoir une place de parc pour chaque appartement?
En Suisse, les maîtres d’ouvrage à but lucratif constatent de plus en plus que l’obligation de construire des places de stationnement leur impose de réaliser davantage de places qu’ils peuvent en vendre ou louer, à des emplacements bien desservis. Car le taux de ménages sans voiture est en forte croissance dans les villes: il atteint désormais 41% à Genève, 44% à Lausanne et plus de 50% à Bâle, à Berne et à Zurich. Dans toute la Suisse, 22% en moyenne des ménages vivent sans posséder de voiture*. Pour les ménages d’une seule personne, ce taux atteint même 42%, tandis que pour ceux de plusieurs personnes il est nettement plus faible.
Types de population concernés
Parmi les sans voiture, on retrouve quatre types de population: les «élites urbaines», les «urbains défavorisés», les «retraités à faibles revenus» et les «personnes âgées de classe moyenne». Ce sont surtout les «élites urbaines» qui ont délibérément renoncé à avoir une voiture. Leur part a fortement augmenté entre 1994 et 2005, pour atteindre environ un tiers des ménages sans voiture en Suisse.Changements de comportement
Le comportement de mobilité des Suisse-sse-s, surtout des jeunes, a changé ces vingt dernières années. En particulier le taux de permis de conduire et d’abonnements généraux (AG): chez les 18 à 24 ans, en 1994, ils étaient 71% à avoir un permis de conduire tandis qu’elles et ils sont 61% en 2015. Le taux d’AG a, par contre, augmenté de 10% en 1994 à 20%. Cette tendance semble être stable selon le microrecensement. La possession d’un permis de conduire ou d’une voiture a perdu en attractivité chez les jeunes. La croissance de Mobility et d’autres formes de mobilité partagée montre bien cela.Places de stationnement vacantes
L’image est bien connue: les panneaux où il est inscrit «Places à louer» abondent dans les grandes villes, mais aussi dans de nombreuses communes d’agglomération. Une enquête de la ville de Zurich confirme que cette impression n’est pas fausse: il en ressort qu’environ 10% des places de stationnement d’immeubles d’habitation sont vacantes. Selon les chiffres de la gérance Bruppacher Verwaltungs AG, environ de 0 à 5% des places sont vacantes dans les emplacements très centraux en ville de Zurich. Par contre, dans les arrondissements périphériques, ce taux est de 10% ou plus. Le Credit Suisse a également constaté, lors d’une évaluation de ses logements dans toute la Suisse, de forts taux de vacance dans les parkings situés dans des communes très bien desservies. En moyenne, 29% sont vacants, le taux oscillant entre 0% et 68%. Différentes communes corroborent ces constats. Dans des cantons comme Bâle-Campagne, où la marge de manœuvre pour réduire le nombre de places de stationnement est très faible, les investisseurs affirment qu’ils doivent construire trop de places de stationnement et n’arrivent pas à les louer. Une enquête actuelle des entreprises de construction de logements de Munich parvient aussi à la conclusion que la moitié des places de stationnement (dans la capitale bavaroise, une place par logement est requise) sont vacantes et qu’une adaptation du règlement à une norme de 0,5 serait souhaitable.Coûts de construction des places de stationnement
Selon des informations confirmées par différents maîtres d’ouvrage, il faut compter au moins 30 000 francs pour la construction d’une place de stationnement dans un parking souterrain. En cas de vacance, cette somme devient rapidement un risque financier pour l’investisseur, ou alors elle est simplement reportée sur les loyers. L’enquête de 2010 en ville de Zurich a montré que des places de stationnement coûtent entre 80 et 170 francs par mois, selon leur emplacement. Si l’on considère des coûts de *Chiffres de 2015. ARE/OFS, Microrecensement mobilité et transports; Université de Lausanne. construction entre 30 000 et 60 000 francs par place, les charges mensuelles avec un rendement brut de 6% (maintenance incluse) sont de 180 à 360 francs. Les loyers ne permettent pas de couvrir les coûts et il en résulte des subventions croisées des places de stationnement. Tout le monde passe à la caisse, y compris les locataires sans voiture! Une enquête à Munich parvient à des conclusions identiques: les locataires sans voiture contribuent à payer pour les places non occupées par les locataires avec voiture, car celles-ci sont proposées à des prix trop bas. Même dans un pays motorisé comme les Etats-Unis, la construction de places de stationnement est actuellement sujette à discussion. Les habitudes changent partout et l’habitat doit s’adapter. Ce sont les lois sur les constructions cantonales qui prévalent, mais ce sont les autorités délivrant les permis de construire qui peuvent octroyer des dérogations. Le nombre de places de stationnement requises pour les voitures et les deux-roues se calcule habituellement selon la norme VSS 640 281 de l’Union suisse des professionnels de la route. Pour un immeuble d’habitation, on prévoit ainsi, à moins que le règlement communal ou cantonal n’en dispose autrement, une case pour 100 m2 de logement. Ce nombre peut être réduit, même parfois à zéro. De telles exceptions peuvent être envisagées dans les règlements communaux d’aménagement. Ce sont en effet les urbanistes cantonaux ou communaux qui déterminent les besoins spécifiques en surfaces de stationnement. Ils peuvent s’écarter de la norme si des circonstances particulières le justifient, notamment l’accessibilité en transports publics, à pied ou à vélo, la protection de l’environnement ou de certains sites. Mais tout dépend des cantons.En Suisse, communes et cantons statuent
L’Office fédéral du développement territorial ARE est très clair: lorsqu’il s’agit de légiférer sur le patrimoine bâti, ce sont les communes et cantons qui décident. Types de réglementations cantonales Tous les cantons règlent dans leurs lois sur l’aménagement et les constructions le stationnement relatif à l’habitat, à l’exception des cantons des Grisons, du Tessin et de Zoug, qui délèguent entièrement aux communes. Dans les autres cantons, différents moyens existent pour autoriser l’habitat sans ou avec peu de voitures: – aucune obligation de construire des places de stationnement n’existe dans le canton de Bâle-Ville; – aucune dérogation de l’obligation de construire des places de stationnement n’est, en principe, autorisée dans les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures, de Schwyz et d’Uri; – dans les cantons de Bâle-Campagne et Glaris, le canton est responsable de réduire le nombre de places de stationnement obligatoires et se réfère surtout à la qualité des transports publics; – à Appenzell Rhodes-Extérieures, c’est du ressort des communes, mais celles-ci ne peuvent réduire le nombre de places de stationnement que par des plans d’affectation spéciaux. Tous les autres cantons (AG, BE, FR, GE, JU, LU, NE, NW, OW, SH, SO, SG, TG, VD, VS, ZH) délèguent aux communes la compétence d’autoriser la dérogation au nombre de places de stationnement requis. La pratique diffère parfois de la théorie L’habitat sans ou avec peu de voitures n’est, à l’heure actuelle, mentionné de manière explicite que dans les cantons d’Argovie et de Berne si on considère uniquement ce qui figure dans les lois et ordonnances des cantons. Il est tout de même possible que, dans la pratique, d’autres possibilités et conditions soient appliquées. Les autorités peuvent aussi fixer des minimas ou maximas en matière de places de stationnement dans des plans spéciaux, dédiés à des projets particuliers. Les permis de construire qui suivront se calqueront ainsi sur ce plan spécial et ne pourront y déroger.Henriette Schaffter Rédactrice en chef
Source: www.habitat-mobilitedurable.ch.