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Plusieurs cas récents de congés collectifs pour rénovation d’immeubles  font grincer des dents en Suisse alémanique. Les locataires se rebiffent et s’organisent contre ces propriétaires cupides. l’expropriation.A Bâle et à Zurich notamment, certains gros propriétaires, des banques ou des assurances, cherchent à se débarrasser de leurs locataires pour pouvoir rénover ou reconstruire des logements de haut standing et encaisser ainsi des loyers bien plus élevés. A Zurich, entre 2008 et 2010, ce sont 25% des rénovations d’immeubles qui aboutissaient à des résiliations collectives. Entre 2014 et 2016, cela monte à 46%. A Regensdorf ZH, Swiss Life a procédé à des congés collectifs pour rénover ses immeubles en fin d’année dernière. A Bâle, le Credit Suisse met ses locataires à la porte pour rénover. Des histoires comme ça, il y en a de plus en plus en Suisse alémanique. Les locataires se battent contre ces décisions, avec l’aide de l’ASLOCA.

Exemple du Brunaupark

Au Brunaupark de Zurich, un projet de nouvelles constructions est mis sur pied par les propriétaires, la caisse de pension du Credit Suisse, et ceux-ci informent en juin 2018 que des immeubles seront rasés dès 2020. Le Credit Suisse possède cinq immeubles dans ce quartier, qui datent d’à peine une trentaine d’années, et souhaite en détruire quatre afin de reconstruire des immeubles avec davantage d’appartements, plus coûteux. Pourtant, les immeubles sont en parfait état et les gens disent y vivre comme dans un «village dans la ville». Il existe en effet de solides structures sociales, dont un jardin d’enfants. De nombreux retraités du Credit Suisse y vivent depuis des années et s’imaginent mal devoir quitter ce quartier. De plus, trouver un autre logement au même prix risque de se révéler bien difficile.

Organisation d’un mouvement de protestation

Au Brunaupark, les personnes concernées se mobilisent dès l’annonce du projet et une première assemblée réunit les locataires le 31 janvier 2019, à l’initiative du Mieterverband Zurich (MV Zurich). Le 15 mars, le MV et plusieurs partis politiques demandent que le projet soit mis à l’arrêt et que les initiateurs fassent preuve de davantage de transparence dans la planification. Le 27 mars, une manifestation a lieu sur le pont de l’Hôtel-de-Ville de Zurich. Près de 240 appartements sont touchés par ces congés collectifs, qui sont finalement remis fin mars 2019, au même moment que la première séance d’information officielle organisée par les propriétaires et destinée aux locataires sur le projet de reconstruction de ce quartier. Au total, 450 personnes sont concernées, dont beaucoup d’enfants. Les locataires devraient déménager en juin 2020. Une deuxième séance d’information a eu lieu le 2 avril et une association a été mise sur pied, IG Leben. Dès lors, ils ont récolté des signatures et ont remis leur pétition le 22 mai dernier au Conseil municipal de Zurich. Les plus de 5700 signataires demandent une réflexion sur le quartier du Brunaupark qui inclut les locataires et contestent la démolition prématurée de leurs immeubles, acte aberrant, écologiquement et socialement parlant. Fin juin, le Conseil municipal a accepté une motion demandant l’obligation d’avoir un plan d’aménagement pour cette zone du Brunaupark. Mais cela ne change rien aux demandes d’autorisation déjà en cours. Cela ne concerne que les projets futurs.

Décision imminente

La dernière assemblée des locataires a eu lieu le 16 septembre. Tous attendent maintenant une décision de la Ville concernant le permis de construire, qui devrait intervenir dans les prochaines semaines. Les autorités de conciliation organiseront des négociations d’ici la fin de l’année. Il s’agit  notamment de clarifier si les congés donnés sont abusifs ou non. Il y a donc deux procédures distinctes dans ce dossier: la remise du permis de construire par la Ville et la procédure liée à la résiliation des contrats de bail, donc liée au droit du bail. Si les recourants devaient aller jusqu’au Tribunal fédéral, le processus pourrait durer jusqu’en 2022. Jusqu’à la décision de la Cour de justice de Zurich, les résiliations sont mises en attente et ne prennent donc pas effet. Ensuite, il faut demander que tout soit ajourné avant la décision du Tribunal fédéral, ce qui devrait être autorisé.

Plusieurs variantes à envisager

La variante la meilleure pour les locataires serait que le permis de construire ne soit pas octroyé et que les congés soient déclarés abusifs. La variante la pire serait que les propriétaires obtiennent le permis de construire et que les résiliations soient déclarées non abusives. L’information concernant le permis de construire devrait être connue assez rapidement. Si le permis de construire est octroyé mais que les congés sont déclarés abusifs, les locataires peuvent rester et les propriétaires doivent revoir leur projet en intégrant cette donnée. Si le permis n’est pas octroyé et que les loyers ne sont pas déclarés abusifs, les locataires seraient censés quitter leurs logements, mais un accord serait certainement négocié avec les propriétaires. A noter que la protestation vient aussi bien des locataires que des voisins de ce quartier. Une table ronde qui réunisse le Credit Suisse, les locataires et les autorités politiques devrait tôt ou tard avoir lieu, quelle que soit l’issue des procédures en cours.

La Suisse romande n’est pas épargnée

A Lausanne, un cas similaire a eu lieu fin 2018. Les locataires de 160 appartements de l’avenue du Parc-de-la-Rouvraie 4 et de la route Aloys-Fauquez 26 ont tous reçu, mi-octobre de l’année dernière, un courrier recommandé de leur gérance, Wincasa SA, leur annonçant la résiliation de leurs baux à loyer au 31 janvier 2019. Le propriétaire de leurs immeubles va en effet y mener d’importants travaux et il n’envisage pas que les habitants puissent rester. Certains locataires ont accepté leur sort, mais la plupart se sont unis et ont entamé des démarches, avec le soutien de l’ASLOCA et de la Ville. Une pétition a été lancée et des séances de conciliation ont eu lieu. La commune a émis un préavis négatif sur ce projet dès le mois d’avril et le dossier est actuellement entre les mains du canton. La Ville se base sur la loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) et juge les travaux envisagés disproportionnés.

Protection des personnes âgées

Tous ces congés collectifs ne visent qu’un profit  plus important pour les propriétaires immobiliers. Si la personne concernée est âgée, elle n’est pas beaucoup plus protégée qu’une autre, malheureusement. Carlo Sommaruga, président de l’ASLOCA Suisse, avait déposé l’initiative suivante: en cas de résiliation du contrat de bail à loyer des personnes âgées, le congé doit être fondé sur un juste motif et le bailleur doit proposer une solution de relogement à proximité immédiate avec des conditions locatives analogues. Cette initiative n’a pas passé la rampe du Conseil national. Les locataires ont donc tout intérêt à se mobiliser dès l’annonce de congés collectifs et à solliciter le soutien de l’ASLOCA de leur canton pour mettre toutes les chances de leur côté!
7 janvier 2020
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