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Contestation du loyer initial: mode d’emploi
On ne le répétera jamais assez, le locataire peut contester le loyer de son nouveau logement ou de ses nouveaux locaux commerciaux dans les 30 jours dès réception des clés en s’adressant à la Commission de conciliation. Dans la plupart des cantons romands (Fribourg, Genève, Vaud et Neuchâtel) et seulement quelques cantons alémaniques (Zurich, Zoug et Niedwald), le bailleur doit remettre au locataire une formule obligatoire lors de la conclusion d’un nouveau bail pour un logement. Contrairement à ce que l’on croit souvent, ce formulaire est obligatoire pour tout nouveau bail et non pas seulement au changement de locataire; en particulier, il est obligatoire même si le logement n’avait jamais été loué jusque-là, parce que occupé par son propriétaire ou que le bâtiment est neuf. Ce formulaire a pour but d’informer le nouveau locataire de son droit de contester le loyer initial dans un délai de 30 jours. Il doit comprendre les mentions obligatoires comme un formulaire de majoration de loyer, à savoir le montant du loyer du précédent locataire (s’il y a lieu), le montant du nouveau loyer et surtout le motif ayant conduit à la fixation de ce loyer. Certains cantons, notamment Vaud et Neuchâtel, prévoient qu’il soit indiqué sur ce formulaire le motif de la hausse de loyer: cela est erroné car ce que le locataire conteste en réalité n’est pas la hausse de loyer au changement de locataire mais le loyer lui-même. L’indication de ce motif a pour but que le locataire puisse décider en toute connaissance de cause, s’il veut accepter ou contester le loyer. Contestation possible même en cas de statu quo ou de baisse de loyer Comme indiqué plus haut, le formulaire est également obligatoire lorsque le logement n’a jamais été loué de sorte que cela n’a pas de sens de parler de motif précis de la hausse de loyer. Le nouveau locataire peut par ailleurs également contester le loyer initial même si le loyer n’a pas été augmenté par rapport à celui payé par l’ancien locataire ou même a été baissé. En effet, le locataire peut contester le loyer initial si l’une des trois conditions alternatives suivantes est remplie: •Le loyer a été sensiblement majoré par rapport au loyer payé par l’ancien locataire; selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une majoration sensible est d’au moins 10%; •Le locataire a été contraint de conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale: cette condition est remplie dès que le locataire avait de bonnes raisons de changer de logement, sans que l’on puisse attendre de lui qu’il renonce à l’occasion qui s’est présentée; •Le locataire a été contraint de conclure le bail en raison de la situation sur le marché local du logement et des locaux commerciaux: il suffit au locataire d’apporter la preuve, qui est souvent notoire, d’une pénurie de logements ou de locaux commerciaux, c’est-à-dire si le taux de vacance est inférieur à 1,5 %; lorsque le canton impose la formule officielle pour la fixation du loyer initial, cette condition est sans autre réalisée. Une fois que cette condition de recevabilité de la contestation est remplie, il convient de fixer le nouveau loyer. A cet égard, le loyer de l’ancien locataire ne constitue pas un plancher incompressible: le nouveau loyer peut être fixé en dessous de celui-ci. Loyer abusif ou non? Lorsque l’immeuble est récent, ou a été acheté récemment, le locataire peut exiger un calcul de rendement au sens de l’art. 269 CO, à savoir que le juge détermine quel est le loyer maximum que le bailleur peut obtenir en fonction des fonds propres investis pour l’achat ou la construction de l’immeuble, toutes ses charges, tant financières (frais hypothécaires) que d’entretien étant couvertes. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le rendement net est excessif s’il dépasse de plus de 0,5% le taux hypothécaire de référence pour les loyers. On le sait, ce taux est actuellement de 1,5%, de sorte que le loyer est abusif s’il permet au bailleur d’obtenir un rendement net des fonds propres investis supérieurs à 2%! Aucun bailleur ne se contentant d’un rendement aussi faible, on peut sans crainte affirmer que tous les loyers, ou presque, sont abusifs au sens de la loi! Malheureusement, cette démonstration ne peut être faite que dans des cas exceptionnels, notamment lors de la contestation du loyer initial. Quelques recherches à mener Il est donc utile que le locataire se renseigne auprès du Registre foncier pour savoir à quelle date l’immeuble ou l’appartement a été construit ou acheté par le bailleur; si cette date est récente, à savoir moins de 40 ans environ, le locataire pourra exiger du bailleur qu’il communique au Tribunal toutes les pièces permettant d’effectuer le calcul de rendement, à savoir notamment l’acte d’achat mentionnant le prix de vente, les justificatifs des coûts de construction, les charges d’exploitation de l’immeuble pour les cinq dernières années ainsi que l’état locatif actuel. A noter qu’à Genève et dans le Jura les inscriptions au Registre foncier doivent contenir le prix d’achat de l’immeuble. Cette information est publique et peut être demandée par le locataire qui souhaite contester le loyer initial car il a un intérêt particulier à connaître cette information. Lorsque l’immeuble est neuf, il arrive fréquemment que l’on trouve des informations sur les coûts de construction, soit au Service des autorisations de construire communal ou cantonal, soit directement sur le site Internet du bureau d’architectes ayant réalisé l’ouvrage. En cas d’immeuble nouvellement construit, le loyer est abusif s’il permet au bailleur d’obtenir un rendement brut supérieur au taux hypothécaire de référence auquel on ajoute 2%; le rendement brut est calculé uniquement sur le coût de construction de l’immeuble, y compris le prix d’achat du terrain. Oubli du bailleur: délai de 30 jours annulé A noter que, dans les cantons où le formulaire de fixation du loyer initial est obligatoire, si celui-ci n’a pas été notifié au locataire, le loyer peut être contesté en tout temps, même au-delà du délai de 30 jours, avec effet rétroactif au début du bail! Il arrive très souvent, lorsque le bailleur n’est pas assisté par une régie immobilière, qu’il omette de notifier le formulaire, en particulier lorsqu’il s’agit d’un bail de sous-location. Cette omission permet donc souvent de rectifier des loyers abusifs bien des années après la conclusion du bail. Il est donc hautement recommandé au locataire de consulter la section locale de l’ASLOCA avant ou immédiatement après la conclusion d’un nouveau bail et de vérifier si le formulaire obligatoire avait bien été notifié en temps utile. Des économies de milliers de francs par année peuvent être réalisées.François Zutter
Avocat répondant
ASLOCA Genève