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Il vaut toujours la peine de se défendre contre des congés non nécessaires donnés par des propriétaires peu compatissants. Encore une preuve à Neuchâtel dans le cas ci-dessous. En s’excusant d’agir «à l’aube des fêtes de fin d’année» 2010, la gérance Ribaux & von Kessel adressait une hausse de loyer «aux plus anciens locataires de l’immeuble sis Fontaine-André n° 42-44». Dans la correspondance qui l’accompagnait, elle annonçait avoir procédé à une étude du marché, lui permettant de fixer le loyer net d’un trois-pièces à 800 francs (voire 1300 francs en cas de rénovation), mais qu’elle se contenterait de 776 francs compte tenu de la dernière baisse du taux hypothécaire (en oubliant évidemment les baisses précédentes). Les locataires étaient invités à «comprendre réellement» qu’ils profitaient encore d’un «geste» de la part de la propriétaire. Pour clore cette missive dans un style bien propre à cette gérance, il était indiqué: [caption id="attachment_12122" align="aligncenter" width="940"]Image retirée. Le locatif de la rue de Fontaine-André. @Marie-Claire Jeanprêtre Pittet[/caption] «Par surabondance de précaution, s’il devait y avoir une contestation sur ce loyer de 776 francs/mois, hors charges, nous serons (sic) contraints, devant la com- mission de conciliation, de faire état de cette étude et ainsi prétendre à un loyer majoré. Nous espérons ne pas en arriver à cet ultime recours.» Cette hausse a été contestée et retirée. Plusieurs des locataires concernés occupaient les quatre rez-de-chaussée de ces immeubles, avec un loyer net de 540 francs.

Rénovation et congé...

Quelques années plus tard, au début de 2018, la propriétaire a eu l’idée d’agrandir les balcons des quatre rez-de-chaussée et de procéder à des travaux de rénovation. Selon l’architecte, il était absolument impossible d’intervenir en présence des locataires. Les deux occupants du n° 44 ont reçu leur congé, dont l’une, âgée de 88 ans, vivait depuis cinquante ans dans son appartement; celle-ci a été victime d’un malaise peu après et placée définitivement dans un home. Les travaux annoncés ont été exécutés et les logements remis sur le marché au prix de 1450 francs plus charges. L’un a été loué avec remise de loyer et l’autre est toujours vide au moment où nous écrivons ces lignes. Autant dire un gâchis humain, économique(du moins pour l’instant) et deux logements à loyer abordable en moins sur le marché; mais pas suffisant pour mettre un frein à la seconde phase du projet.

Personnes âgées: aucune compassion de la propriétaire

Les locataires des rez-de-chaussée du n° 42 ont reçu leur congé peu de temps avant Noël 2018. L’un des logements était occupé depuis 46 ans par une dame âgée de 87 ans, atteinte dans sa santé, au bénéfice de faibles revenus et qui s’était constitué un réseau d’aide parmi ses voisins lui assurant son maintien à domicile. Bien qu’au courant de cette situation difficile, la propriétaire n’a pas voulu retirer le congé et l’affaire a été portée devant le tribunal. En cours de procédure, la gérance a annoncé de façon péremptoire que les travaux sur les balcons allaient commencer, alors qu’elle clamait dans ses échanges d’écritures que c’était absolument impossible.

Congé annulé

Dans son jugement rendu le 8 janvier dernier, la juge a annulé le congé. Elle a retenu qu’il était démontré que les travaux pouvaient être exécutés sans résilier le bail (puisqu’ils étaient faits!), et surtout qu’il existait une disproportion grossière entre les intérêts en présence, soit ceux purement financiers de la bailleresse, et les conséquences particulièrement pénibles sur le plan humain pour la locataire en raison de la résiliation. Dommage que ce jugement, pourtant rendu dans un délai très bref, n’ait pas pu être glissé sous le sapin de Noël 2019.  

Marie-Claire Jeanprêtre Pittet Responsable du service juridique Asloca Neuchâtel

20 avril 2020
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