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Le droit du bail est assiégé. Au Parlement, les coups de boutoir des relais parlementaires du lobby immobilier se multiplient. Le même Parlement qui avait mis en musique il y a près de vingt-huit ans dans le Code des obligations le mandat constitutionnel de la protection des locataires contre les abus semble avoir perdu la boussole. Des arguments éculés au service des intérêts des bailleurs
reviennent travestis des atours de nouvelle vérité inébranlable. Les rendements élevés et abusifs tirés des objets locatifs partout à travers le pays par les petits comme les gros propriétaires immobiliers dans le cadre des baux en cours ne suffisent plus. Les milieux immobiliers veulent maintenant s’assurer une impunité totale.
Ainsi, l’initiative parlementaire de Hans Egloff, conseiller national UDC, président de Hauseigentümerverband, l’association des propriétaires de Suisse allemande, visant à restreindre le droit de sous-louer est déjà bien avancée dans les méandres de la procédure parlementaire. Cet élu UDC – qui se veut le fer de lance du lobby immobilier au Parlement – a déposé en juin 2016 une autre initiative parlementaire sur la contestation du loyer initial. Cette initiative est très pernicieuse. Elle entend supprimer la possibilité de contestation du loyer initial du simple fait que sévit la pénurie de logements. Elle vise donc à restreindre la possibilité de contestation du loyer initial uniquement aux cas de majoration sensible de loyer à la conclusion du bail ou en cas de situation de contrainte personnelle du locataire. Cela a l’air anodin, mais une telle modification ne permettrait plus, dans les cantons où sévit la pénurie, de contester un loyer initial abusif déjà appliqué au précédent locataire et inchangé lors d’une nouvelle location, voire de contester un loyer abaissé par rapport à celui appliqué au précédent locataire, mais toujours abusif au regard de la loi.
Seuls des loyers en hausse de 10% au moins à la conclusion du bail pourraient être encore contestés à l’avenir si les Chambres fédérales adoptent l’initiative parlementaire et la mettent en oeuvre. Bien sûr la loi permettrait toujours au locataire de contester un loyer initial s’il est dans une situation de contrainte personnelle. Toutefois, cela n’est qu’une possibilité virtuelle de faire valoir ses droits dans la plupart des cas. En effet, le locataire devra faire la très difficile preuve qu’il était en situation de contrainte personnelle. C’est excessivement ardu et les chances de succès sont quasi nulles. Donc un droit purement virtuel.
Rappelons que la contestation du loyer initial par simple fait de l’existence de la pénurie est un instrument à double dimension. Une dimension générale de prévention des hausses abusives et une dimension individuelle de protection de ses droits lorsque la recherche d’un logement est par définition ardue puisque l’offre est limitée.
D’autres initiatives parlementaires ont été déposées tout dernièrement, notamment sur le calcul du loyer. C’est donc bien un démantèlement des droits des locataires qui est lancé au Parlement.
Mais les attaques ne s’arrêtent pas à la remise en question des droits de contester le loyer initial abusif. Il y a bien plus grave. Lors de la dernière session parlementaire, le conseiller national UDC zurichois déjà nommé, son pendant romand, le conseiller national PLR vaudois Olivier Feller, et le PDC appenzellois Daniel Faessler ont déposé une série de trois initiatives parlementaires, qui, comme un orgue de Staline, s’en prennent à la méthode de fixation des loyers. «Mort au loyer fondé sur les coûts! Oui au loyer du marché!» pourrait être le cri de ralliement de ces parlementaires et de la majorité qu’ils tentent de construire. Il y a danger. Il y a même le feu qui menace la maison des locataires. Car, de fait, ce que vise le lobby immobilier, c’est la légalisation des loyers abusifs!
L’ASLOCA ne laissera pas passer une telle atteinte aux intérêts des locataires.
Elle se mobilisera pour éviter à tout prix la réouverture de la guerre du logement au niveau suisse et la légalisation des loyers abusifs. Bientôt sera lancée une action nationale. Puis, le cas échéant, ce sera le moment du référendum. A chaque étape, il faudra tous se mobiliser.
Oui, plus que jamais l’heure est à la mobilisation!
Carlo Sommaruga
Président de l'ASLOCA Suisse