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La hausse des coûts du logement ne touche plus seulement les grandes villes comme Genève, Lausanne et Zurich, mais également des communes de taille moyenne. Certaines d’entre elles ont une tradition en matière de logement communal, tandis que d’autres sont totalement dépourvues d’expérience dans ce domaine. Tour d’horizon de quelques communes de Suisse romande.
Les communes de taille moyenne, ayant environ entre 15 000 et 50 000 habitants, sont aujourd’hui confrontées à une hausse des loyers continue. Promouvoir les logements à prix abordable devrait donc être un de leurs objectifs, afin de maintenir l’attrait à long terme de la commune, notamment pour les familles, ainsi que le bon fonctionnement de la vie locale. Elles disposent pour cela de certains outils, mais sont aussi limitées par plusieurs données de base: le droit du bail relève de la Confédération et la législation relative à l’aménagement du territoire et à la construction relève surtout des cantons. Les facteurs influençant les loyers et les prix sont multiples et ne peuvent pas vraiment être maîtrisés à l’échelle de la commune: par exemple pression des investissements, politique fiscale, croissance des revenus, préférences individuelles et croissance démographique. En outre, le marché suisse du logement est très majoritairement en mains privées: la part des pouvoirs publics est de 2% et celle des coopératives d’habitation de 5%. Au niveau de ces dernières, il existe une grande différence entre la Suisse romande, qui affiche un taux de 4% de logements au sein de coopératives et Zurich par exemple, ville dans laquelle celles-ci possèdent 25% des logements.
Outils sous-utilisés
Les cantons et la Confédération gardent donc un rôle important, mais les communes ont aussi leur mot à dire et peuvent intervenir sur le marché du logement avec plusieurs instruments, et non pas uniquement par la propriété immobilière: il existe des outils, parfois même inscrits dans la loi, mais qui ne sont malheureusement pas toujours utilisés. A Zurich, chaque fois que la ville peut acquérir un terrain, elle le cède en droit de superficie aux coopératives, qui sont des partenaires. En Suisse romande, ce n’est pas si évident. Il y a cependant des villes qui ont développé de véritables stratégies à cet égard. A Nyon, sur son propre foncier, la ville octroie des droits de superficie à taux préférentiel à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique, à la condition que ceux-ci réalisent essentiellement des logements d’utilité publique, à loyer modéré, abordable et protégé. Les autorités engagent toujours des négociations directes avec les investisseurs et les maîtres d’ouvrage concernés pour y intégrer des exigences complémentaires (aménagements extérieurs, équipements communautaires, etc.). De plus, sur les terrains en mains privées, la commune négocie auprès des promoteurs la mise à disposition de la population de 25%, en moyenne, de logements d’utilité publique, en échange de droits à bâtir supplémentaires. La Municipalité de Nyon a été une des premières en Suisse à fixer des quotas de logements à loyer abordable par quartiers, non seulement pour combattre la grande pénurie, mais également pour promouvoir la mixité socio-économique.
Nyon précurseuse
La LPPPL (loi sur la préservation et la promotion du parc locatif) vaudoise, acceptée par le peuple en février 2017, devrait inciter les villes à favoriser les constructions de logements à loyer abordable, répondant aux besoins aigus de la population, pour mieux lutter contre la pénurie. Tout cela est encore trop récent pour qu’il y ait des effets concrets, mais la balle est désormais dans le camp des communes. Bien avant que la LPPPL les légalise, la Ville de Nyon avait déjà introduit et défini la notion de logements «à loyer abordable» par une directive municipale. La construction par des promoteurs privés d’un quartier de 14 bâtiments sur une grande parcelle située côté Jura de l’hôpital est un des succès de cette politique du logement. D’ici à fin 2018, le quartier Jardins du Couchant, proche de divers équipements publics et commerciaux, peu éloigné du centre-ville et de la gare, sortira de terre. Il accueillera environ 900 habitants et permettra la création d’une centaine d’emplois, de logements à loyer abordable et équipements d’utilité publique. «Bien sûr, pour que le projet voie le jour, les autorités ont dû s’impliquer fortement, en négociant dès la genèse du projet avec les différents promoteurs et propriétaires qui se sont succédé», explique Stéphanie Schmutz, conseillère municipale à Nyon. Les partenaires ont travaillé avec l’objectif premier de satisfaire les besoins des ménages qui s’attendent à trouver dans leur quartier les infrastructures nécessaires à la vie familiale et professionnelle, telles que crèche, commerces et transports publics.
Exemple bullois
Depuis quelques années, Bulle est la ville de Suisse connaissant la plus grande augmentation de population. Le Conseil communal a axé ses efforts sur l’aménagement du territoire et la construction d’écoles et la Ville s’est séparée de bâtiments dont elle avait la propriété afin de financer et de permettre la réalisation d’infrastructures. Bulle a vu se construire énormément de logements ces dernières années, même si elle n’est pas en situation de pénurie. L’offre dépasse largement la demande et la commune n’a donc pas encore senti le besoin d’établir une véritable politique du logement. Elle a néanmoins octroyé des droits de superficie à des coopératives d’habitation afin de favoriser l’existence de logements à loyer modéré.
Sion: pas de politique active
La Ville de Sion n’a jamais mené à proprement parlé de politique active directe du logement. Il y a quelques années, le Conseil général a d’ailleurs refusé un postulat pour une politique du logement active. La Ville fait confiance aux acteurs privés pour répondre aux besoins de la population et elle stimule l’intérêt de ces acteurs privés par la mise à disposition de terrain et l’octroi de droits de superficie. Sion a accordé un droit de superficie sur des terrains à l’est de la ville pour la construction d’un parking, ainsi que de trois barres de logements, qui seront disponibles en 2021. C’est le projet des Roches-Brunes, qui se composera de 66 logements à prix préférentiel (—10% par rapport au prix du marché). Des réflexions sont en cours pour développer deux nouveaux quartiers d’habitation, dont le quartier éco-responsable des Potences, d’une capacité potentielle de quelque 500 appartements. Là aussi, la Ville devrait mettre à disposition des terrains auprès d’investisseurs privés, mais malheureusement pas auprès de coopératives.
Le cas de Bienne
Les autorités de la ville de Bienne et les représentants des coopératives de construction de logements d’utilité publique ont signé une charte en 2014, qui détermine les conditions qui doivent permettre, via un développement à long terme des coopératives d’habitation, d’améliorer l’attractivité de Bienne sur le plan immobilier. Actuellement, 31 coopératives d’habitation biennoises gèrent environ 4500 appartements, en majorité à loyer modéré, soit environ 16% de tout le parc immobilier sur territoire communal. Ces coopératives d’habitation jouent un rôle très important pour proposer des logements abordables à Bienne et le Conseil municipal était donc d’avis que la prolongation des contrats de droit de superficie avec les coopératives d’habitation représentait une chance unique pour Bienne. L’objectif des autorités est même d’atteindre un taux de 20% de coopératives. Bienne a, par contre, très peu de logements qu’elle gère elle-même et c’est souvent uniquement de façon temporaire.
Pour Silvia Steidle, directrice des Finances de la ville, la plupart des coopératives biennoises entretiennent bien leurs bâtiments et sont occupées par des familles de la classe moyenne. Selon elle, il n’y a aujourd’hui pas de pénurie de logements abordables, mais «on ne sait pas ce qui peut arriver à long terme». Elle complète: «Il faut maintenir la mixité des appartements. La chance à Bienne, c’est qu’il reste des terrains libres en mains communales et qu’ils pourront être utilisés. C’est le cas du stade du Gurzelen, situé en pleine ville, sur lequel un projet important devrait voir le jour.» Mais Silvia Steidle craint cependant que les coopératives ne soient davantage prisées par les Biennois suisses alémaniques et que les francophones aient moins «l’esprit coopérative», ce qui pourrait entraîner à terme une germanisation de la population.
En conclusion, toutes les villes ne connaissent actuellement pas les mêmes soucis, mais elles doivent toutes veiller à éviter des situations difficiles pour leurs habitants, en mettant tous les atouts de leur côté pour prévenir une hausse importante des loyers. La situation en Suisse romande est certes disparate, il n’empêche que l’observation du marché du logement ne suffit plus et qu’il faut désormais agir également au niveau communal.
Henriette Schaffter
Rédactrice en chef