Les juristes de l’ASLOCA vaudoise font face à des bailleurs qui contournent la loi pour accroître leurs gains.
Comme rappelé dans cette édition, les milieux immobiliers qui engrangent des profits records ne veulent pas s’arrêter en si bon chemin et partent à l’assaut des quelques droits dont
bénéficient encore les locataires. Consciente du péril qui guette ces derniers, l’ASLOCA n’a d’autre choix que de se lancer dans un double référendum pour sauver ce qui peut encore
l’être. L’un des objets qui seront combattus concerne la résiliation du contrat de bail pour les besoins propres du bailleur. C’est un sujet délicat dans la mesure où il mobilise un imaginaire pétri de bon sens. En effet qui pourrait raisonnablement soutenir l’idée qu’une personne propriétaire d’un logement se trouve empêchée d’y habiter ? Mais, dans le cas où le bailleur a mis le logement en question en location pour en tirer un loyer, il est également normal que les locataires puissent faire valoir certains droits, ne serait-ce que pour disposer d’un temps suffisant pour trouver un nouveau toit.
Pour bien comprendre les mécanismes de ce congé particulier, il n’est pas inutile de jeter un oeil aux nombreux dossiers traités chaque année par nos services juridiques. Dans le
canton de Vaud, l’écrasante majorité des cas traités par l’ASLOCA a mis en lumière le fait que le bailleur induisait les locataires en erreur en prétextant qu’un membre de sa famille
devait être relogé rapidement, alors qu’en réalité il n’en était rien. Au moment de la résiliation notifiée par le bailleur invoquant un besoin propre, la situation est généralement la suivante : les locataires qui ont des raisons de douter de la réalité du besoin propre saisissent l’autorité de conciliation en vue de faire annuler le congé puisqu’il semble fondé sur un simple prétexte. Lors de l’audience, le bailleur se borne généralement à déclarer qu’il entend loger des proches dans l’appartement concerné, sans qu’il soit tenu de fournir des éléments de preuve à ce sujet. Se fondant sur les déclarations du bailleur, l’autorité confirme la validité de la résiliation et les locataires sont mis à la porte.
Locataires dupés
Par la suite, les locataires se rendent compte qu’ils ont été dupés. Ils découvrent souvent leur ancien logement sur une plate-forme de location avec un loyer majoré. Ils demandent
alors la révision de la décision – encore une procédure à la charge des locataires – au motif que le bailleur a induit tout le monde en erreur. Cette procédure en révision ne permet
pas de récupérer ledit logement, mais elle est un passage obligé pour ouvrir la voie à un dédommagement des victimes de la tromperie. Lors de cette nouvelle procédure, l’autorité qui avait validé le congé se limite en principe à questionner le bailleur au sujet de l’absence de ses proches dans l’appartement qu’il a récupéré. Le bailleur peut alors se contenter de répondre que le membre de sa famille qui devait intégrer le logement a finalement changé ses plans. Sur la base de ces déclarations, l’autorité juge que, dans la mesure où le besoin semblait réel au moment de la résiliation, la demande de révision des locataires doit être rejetée, même si le besoin propre du bailleur ne s’est pas concrétisé par la suite. Au final, les locataires auront intenté deux procédures en vain et auront été forcés de quitter leur logement pour en trouver un autre certainement plus cher. Enfin, leur ancien appartement aura vu son loyer augmenter au changement de locataires. Une précision: cette question ne concerne pas les petits propriétaires désireux d’intégrer un logement occupé ou d’y placer un proche. Dans ces cas, le besoin propre est facilement établi par le bailleur si bien que les contestations sont très rares. C’est pourtant cette catégorie de propriétaires que le lobby immobilier va mettre en scène pour tenter de s’attirer la sympathie de la population. Reste à espérer que cette tromperie-là sera démasquée à temps.
Fabrice Berney
Secrétaire général
ASLOCA Vaud