
n°167 - octobre 2004
La Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à ce que toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables. » Cette citation n’est pas extraite d’un manifeste politique rédigé par des militants de la défense des locataires. C’est la teneur exacte de l’article 41 alinéa 1 lettre c de la Constitution fédérale. Le texte fondamental qui doit conduire la politique de nos autorités.
Sur la base de cet engagement inscrit dans la charte fondamentale et du droit au logement figurant dans nombre de constitutions cantonales, la crise du logement ne devrait être qu’une hypothèse de travail et non la dure réalité qu’affrontent des secteurs importants et croissants de la population.
Rien n’y fait. Le manque de logements et singulièrement de logements bon marché est bien plus un mal chronique qu’une crise, que l’on imagine toujours passagère. Le taux de vacance s’est établi à 0,91% au 1er juin 2004. Il s’élevait à 1,85% en 1998.
Paradoxalement, et malgré l’évidence des chiffres, la Confédération et les cantons réduisent, gèlent ou suppriment l’aide à la construction de logements. Or, la demande de logements sociaux et bon marché n’aura jamais été aussi nécessaire et cela même si l’offre de logements devait reprendre.
En effet, loin est le temps des 30 glorieuses du siècle dernier au cours desquelles l’ascension sociale, l’amélioration des conditions de vie et la lutte contre la pauvreté, constituaient autant de perspectives impliquant l’ensemble de la société. Bien au contraire, au début de ce siècle, de larges secteurs des classes moyennes se battent pour le maintien de leur niveau de vie et contre le basculement dans l’indigence.
Une population toujours plus importante ne sait plus comment sortir de sa condition, telle les working poors, en raison de la précarité de leur emploi, de leur état de santé ou d’une rupture familiale. Pour reprendre l’expression d’un sociologue français, nous sommes passés d’une société de type «montgolfière», où toute la population était tirée vers le haut, à une société de type « sablier », qui aspire inexorablement vers le bas un nombre croissant de ses membres.
Le logement social n’est donc plus un logement «de passage » ou « de transition» correspondant à une phase précise de la vie personnelle, familiale ou professionnelle, voire à une période de crise économique. Il est de toute évidence de plus en plus la seule solution définitive de logement pour un nombre croissant de locataires qui n’ont plus accès au marché libre.
Il est donc urgent de maintenir l’effort en faveur du logement social et de l’orienter prioritairement en faveur des couches les plus pauvres. Là où l’effort a été stoppé ou supprimé, il est nécessaire de le relancer sous quelque forme que ce soit: mise à disposition de terrains, dotations financières à la construction, programmes de soutien aux coopératives, rachat d’immeubles vendus aux enchères, etc.
Aujourd’hui, refuser de financer ou de soutenir le logement social, c’est consciemment participer au renforcement de la fracture sociale. C’est aussi pour la Confédération et les cantons concernés, mais surtout pour les responsables politiques, manquer à l’engagement constitutionnel.
Carlo Sommaruga
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