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Ces baux ont souvent comme unique objectif d’empêcher les locataires de faire valoir leurs droits. Dans un arrêt du 4 décembre 2017, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du Canton de Genève a considéré qu’un contrat de bail qui avait été conclu pour une durée déterminée de 12 mois et 9 jours devait être considéré comme un contrat de durée indéterminée, renouvelable d’année en année. La Cour a considéré que la clause de durée déterminée était nulle car elle constituait une fraude à la loi. Succès pour les locataires Cet arrêt constitue une grande victoire pour les locataires dans la mesure où l’on constate malheureusement que de plus en plus de bailleurs recourent, de manière parfaitement abusive, à la forme des contrats de bail de durée déterminée. Ce mode de faire est une catastrophe pour les locataires en période de pénurie de logements; en effet, à peine sont-ils installés dans leur nouvel appartement que les locataires doivent déjà rechercher une solution de relogement pour une année plus tard. Les bailleurs rétorquent que ce mode de faire n’est pas interdit et est même expressément prévu par le droit du bail. C’est vrai, l’art. 255 du Code des obligations prévoit que le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Quelle est la vraie raison? Si l’on peut concevoir qu’un propriétaire d’un unique appartement conclue un bail pour une durée déterminée lorsqu’il sait qu’il aura de nouveau besoin du logement à une date ultérieure (par exemple pour son fils parti faire des études de deux ans à l’étranger), en revanche, on ne comprend pas pourquoi un bailleur qui possède de nombreux logements, voire plusieurs immeubles, procède de la sorte. Ou plutôt on le comprend trop bien, puisque le recours au contrat de durée déterminée n’a d’autre but que de dissuader le locataire de contester le loyer initial dans les 30 jours, comme cela est permis par l’art. 270 CO. Dans le cas tranché par la Cour de justice, la régie était venue expliquer au tribunal qu’elle concluait systématiquement des contrats de durée déterminée pour vérifier que le locataire s’acquitte bien de ses loyers. Si c’était le cas, en règle générale, le contrat de bail était par la suite renouvelé, sauf dans les cas, rares, où le locataire se permettait de contester le loyer initial! Outre le fait que le motif invoqué est particulièrement stupide, puisque l’art. 257d CO permet au bailleur de résilier facilement le bail (sans attendre la fin de la durée déterminée) si le locataire ne paie pas le loyer, cela démontre qu’il s’agit bien d’empêcher le locataire de faire valoir ses droits, non seulement de contester le loyer initial, mais encore de contester des hausses de loyer ultérieures ou de contester une résiliation abusive. A cela s’ajoute que la régie ne mentionnait même pas dans les annonces qu’elle publiait que le contrat serait conclu pour une durée déterminée; c’est seulement au moment de signer le contrat à la régie que les locataires l’apprenaient! La Cour en a donc conclu que la bailleresse n’optait pour ce système débutant par un bail de durée déterminée «qu’aux seules fins de mettre en échec des règles impératives, telles que les règles contre les loyers abusifs ou contre les congés abusifs». La bailleresse entendait ainsi profiter de la situation de contrainte dans laquelle se trouve l’ensemble des locataires dans le canton de Genève, liée à la forte pénurie des logements, pour imposer une telle pratique, permettant d’exclure toute contestation du loyer initial. Empêcher les locataires de faire valoir leurs droits Pour la Cour, ce comportement est constitutif d’un abus de droit et ne doit pas être protégé.Cette jurisprudence est réjouissante puisque le Tribunal fédéral, dans un arrêt de principe concernant la conclusion successive de plusieurs contrats à durée déterminée, avait relevé que la conclusion de tels contrats était licite, sous réserve toutefois d’une fraude à la loi: «commet une telle fraude, le bailleur qui, en soi, a l’intention de s’engager pour une durée indéfinie, mais opte pour un système de baux à durée déterminée aux seules fins de mettre en échec des règles impératives, telles les règles contre les loyers abusifs ou contre les congés abusifs» (ATF 139 III 145). On précisera encore que la bailleresse a déposé un recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt (arrêt ACJC/1565/2017 du 4 décembre 2017, disponible sur le site du Pouvoir judiciaire genevois). Le recours de la bailleresse auprès du TF a été déclaré irrecevable le 18 mai 2018 (Arrêt 4A_48/2018 ).

François Zutter, avocat répondant

ASLOCA Genève

22 mai 2018
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