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Le Tribunal fédéral vient de confirmer sa jurisprudence selon laquelle les locataires ne peuvent pas se fier au montant des acomptes fixés par le bailleur. Le bailleur n’a ainsi aucune obligation de fixer ces acomptes en fonction des coûts prévisibles. Des locataires zurichois sont, une nouvelle fois, partis à l’assaut du Tribunal fédéral pour changer cette jurisprudence. En vain.
Définition claire des frais accessoires
Les frais accessoires sont les frais que le bailleur facture au locataire pour des prestations fournies par lui ou un tiers en rapport avec l’usage de la chose louée (art. 257a du Code des obligations). Selon l’art. 257a al. 2 CO, «ils ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement». Il faut donc une mention précise dans le contrat de bail pour que chacun des frais accessoires puisse être mis à la charge des locataires; à défaut ces frais sont considérés comme faisant partie du loyer net. On entend, en général, par frais accessoires les dépenses effectives du bailleur pour les frais de chauffage et d’eau chaude (le plus souvent), ainsi que d’autres frais d’exploitation selon une tendance venant des bailleurs suisses alémaniques. Ainsi, de plus en plus, on voit les bailleurs mettre à la charge des locataires sous forme de frais accessoires de nombreux frais tels que les frais d’électricité des communs, les abonnements d’entretien pour l’ascenseur, la ventilation, les extincteurs, l’interphone, les installations de buanderie, les éclairages de secours, les frais de nettoyage des surfaces et locaux communs, les frais d’eau froide, les frais de déneigement (!), le salaire du concierge, etc. La liste de ces frais accessoires devient tellement longue qu’ils peuvent représenter un tiers du loyer brut!Contestation prise en compte puis reniée
Cette situation est d’autant plus problématique que non seulement le locataire n’a aucun regard sur le choix des entreprises, ni d’influence sur le coût de ces frais accessoires, mais qu’il devra encore payer les surcoûts lors de la présentation du décompte annuel. Dans un premier jugement, le Tribunal du district de Horgen avait admis les contestations des locataires et limité les soldes dus à 30% de dépassement des acomptes versés. Cela représentait tout de même un solde supplémentaire entre 1000 fr. et 1300 fr. suivant les loyers des locataires. Malheureusement, ce jugement a été cassé par le Tribunal supérieur du canton de Zurich, qui a estimé que les locataires devaient payer jusqu’au dernier centime les soldes réclamés par le bailleur. Les soldes réclamés s’échelonnent entre 3237 fr. et 8843 fr., soit des dépassements de près de 100%!Aucun devoir de transparence
Le premier tribunal zurichois avait considéré qu’il convenait d’appliquer par analogie les règles en matière de devis dans le contrat d’entreprise: une facture finale ne peut pas, en règle générale, dépasser de plus de 10% le devis. Le tribunal avait déjà été généreux en acceptant un dépassement de 30%. Le Tribunal fédéral a estimé que les dispositions sur le contrat d’entreprise ne peuvent pas s’appliquer, même par analogie. Il a estimé que le bailleur n’a aucun devoir de transparence lors des négociations précontractuelles. Cette considération est douteuse dans la mesure où la loi prévoit expressément que les frais accessoires ne peuvent être mis à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement dans le contrat de bail, ce qui signifie qu’une attention particulière doit être apportée par le bailleur dans la rédaction du contrat de bail.Liberté contractuelle à tout prix
Le Tribunal fédéral a également écarté les nombreuses critiques des spécialistes du droit du bail à la suite de l’arrêt qu’il avait rendu en 2005 dans lequel il avait défendu la même position. Le Tribunal fédéral défend mordicus son argument de liberté contractuelle: les parties sont libres de conclure n’importe quel contrat. Il appartiendrait donc au locataire de se renseigner précisément auprès du bailleur, avant de conclure le contrat, pour savoir si les acomptes de frais accessoires correspondent réellement au coût. Evidemment, dans un canton où, comme à Zurich, il y a 50 candidats pour un appartement, aucun locataire ne va prendre le risque de poser des questions incisives à un bailleur avant la conclusion du contrat; ce serait le meilleur moyen de renoncer à la location de l’appartement. Le Tribunal fédéral relevait également qu’il ne peut pas y avoir de tromperie de la part du bailleur dans la mesure où rien ne l’oblige à fixer des acomptes corrects. Bref, encore une fois, le Tribunal fédéral se montre peu sensible à la cause des locataires. (Arrêt du Tribunal fédéral du 29 janvier 2019, cause 4A_339/2018).François Zutter Avocat répondant, ASLOCA Genève