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Au Conseil national, les représentants des fédérations immobilières ont déposé pas moins de neuf initiatives parlementaires (IP), qui facilitent les hausses de loyers et abattent la protection des locataires. Quatre d’entre elles ont déjà trouvé le soutien de la commission des affaires juridiques du National. Une seule a été acceptée jusqu’ici par la commission juridique du Conseil des Etats : cette dernière a donné suite à l’initiative parlementaire Egloff limitant la sous-location (15.455), lors de son deuxième passage devant la commission.
La plupart des attaques du lobby immobilier portent sur la possibilité de contester un loyer abusif. Qu’il s’agisse de réduire cette possibilité aux cas de nécessité personnelle ou familiale (16.451 Egloff), d’exiger une situation de pénurie (17.514 et 17.515 Nantermod) ou de restreindre drastiquement les critères indiquant des loyers abusifs (17.492 Fässler), les IP déposées entendent vider de son sens la lutte contre les abus en matière de bail à loyer. La Constitution fédérale assigne pourtant à la Confédération un mandat clair dans ce but à son article 109.
En soutenant la lettre ouverte « Dites Non aux loyers abusifs », près de 20'000 personnes demandent à la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats de ne pas donner suite aux propositions des bailleurs représentés au Parlement. En six semaines seulement, l’ampleur des soutiens recueillis en ligne montre la grande sensibilité de la population sur le sujet. Il faut éviter de rouvrir une guerre du logement. Le droit du bail exige l’action des locataires eux-mêmes contre des abus. Moins d’un pour-cent des loyers initiaux sont contestés par année dans le pays : cela montre la retenue des locataires face à des loyers parmi les plus élevés en comparaison internationale.
Le 17 mai, la commission du Conseil national traitera de l’IP Feller (17.491), qui veut faire exploser le plafond des rendements immobiliers établi par la jurisprudence, de l’IP Fässler (17.492), qui aimerait imposer les loyers du marché, et de l’IP Egloff (17.493), qui faciliterait éhontément l’adaptation aux loyers du quartier ou de la localité. En commission, la forte majorité favorable aux bailleurs laisse malheureusement augurer de l’acceptation des trois objets.
C’est au cours du troisième trimestre 2018 que la commission du Conseil des Etats doit se prononcer sur les trois IP traitées en mai par son homologue du National et sur l’IP Egloff (16.451), qui a déjà passé cette étape et exigerait un état de nécessité personnelle ou familiale pour contester un loyer abusif.
Aux côtés des personnes qui soutiennent la lettre ouverte, l’Association suisse des locataires (ASLOCA SMV ASI) demandent aux sénatrices et sénateurs de stopper les attaques en cours. Il ne faut pas donner suite à des initiatives parlementaires qui anéantiraient une protection limitée des locataires et qui aboliraient pratiquement le mandat établi par la Constitution contre les abus dans le secteur locatif.
Carlo Sommaruga, président de l’Association suisse des locataires ASLOCA