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Le Conseil fédéral minimise le phénomène engendré par les services d’internaute à internaute généré par les plates-formes de services en ligne. L’ASLOCA le regrette.
Le 20 juin 2014, le soussigné déposait au Conseil national un postulat concernant le phénomène des services d’internaute à internaute en matière notamment de logement, comme le proposent les plates-formes www.airbnb.com, www.windu.fr ou www.housetrip.com basée à Lausanne. Le postulat demande au Conseil fédéral de présenter au Parlement un rapport sur ce nouveau marché en analysant en détail son évolution récente, son importance commerciale et financière en Suisse. Le postulat prie également le gouvernement de présenter les défis juridiques liés aux rapports contractuels et à l’applicabilité des dispositions légales communales, cantonales et fédérales pouvant concerner ces platesformes d’échange de services payants.
Plus spécifiquement pour le logement, l’intervention parlementaire, signée par onze autres parlementaires, demandait d’examiner les conséquences ou incidences pour les 20% au maximum de résidences secondaires, le changement d’affectation de logements ordinaires en objets quasi hôteliers, les dispositions de droit du bail en matière de loyers et de congés abusifs et de la sous-location. Il était attendu que le Conseil fédéral donne les pistes de réforme légales possibles ou les obligations que les autorités peuvent imposer à ces plates-formes en ligne.
Pas d’entrée en matière du Conseil fédéral
«Circulez, y a rien à voir!» C’est en résumé la réponse du Conseil fédéral en septembre 2014. En effet, celui-ci indique dans sa détermination: «A l’heure actuelle, il n’y a pas lieu de procéder à l’analyse détaillée réclamée par l’auteur du postulat. Il incombe en priorité aux secteurs concernés de dénoncer aux autorités compétentes les éventuelles infractions aux prescriptions régissant le commerce et la concurrence ou d’utiliser tous les outils juridiques à leur disposition pour prévenir ou faire cesser les pratiques illicites.(…) Dans l’ensemble, les plates-formes Internet proposant en Suisse des services gratuits ou payants ont des effets qui restent pour l’heure mesurables et ne constituent guère une source d’inquiétude.»
Pourtant, une enquête parue dans Le Temps du 14 novembre 2014 montrait – comme nous le subodorions – que le phénomène des locations d’appartements au travers de la plate-forme www.airbnb.com avait déjà atteint une ampleur non négligeable avec des conséquences directes sur le marché du logement. Ainsi, selon cette enquête sur la région de Genève il y a plus de 2000 offres de locations sur cette plate-forme. Chose particulière, près de 1000 logements étaient en mains d’opérateurs commerciaux. Ces 1000 logements sont donc sortis du marché local et inaccessibles à la population locale résidente. Ces logements représentent 0,44% du parc immobilier du canton de Genève. Leur remise sur le marché ferait plus que doubler les logements disponibles. En effet, au 1er juin 2014, le nombre de logements vacants était de 863 selon l’Office cantonal de la statistique.
La LDTR pas respectée
Cette enquête relève aussi que la LDTR genevoise est allègrement violée puisque des logements sont transformés en logements meublés, voire même en chambres d’hôtel, sans qu’aucune autorisation, exigée pourtant par la loi, ne soit ni requise ni accordée par les autorités administratives compétentes.
Les hôteliers genevois ont également fait part de leur mécontentement. En effet, compte tenu de l’absence de l’application et de contrôle des prescriptions administratives en matière de sécurité ou de taxe de séjour et vu le nombre surprenant de logements mis sur le marché de manière professionnelle, ils se plaignent d’une concurrence déloyale.
Locataires malmenés
Les déboires d’un locataire qui a récemment consulté l’ASLOCA montrent que les conséquences de ces platesformes en ligne se font directement sentir sur les locataires. Souhaitant sous-louer une chambre de son appartement, ce dernier s’est inscrit sur Airbnb. Avant même qu’un seul internaute ne s’intéresse à sa chambre, la commune lui écrivait pour exiger le paiement de la taxe de séjour depuis la date d’inscription sur le site Internet et une série de documents, dont l’autorisation de sous-louer de la part de son bailleur. Cette dernière étant inexistante, la commune – pleine de zèle – décida d’en informer le bailleur quand bien même le locataire pouvait démontrer n’avoir encore jamais accueilli dans cette chambre un usager de la plate-forme. Le résultat ne s’est pas fait attendre: le locataire a reçu la notification de résiliation immédiate du contrat de bail.
Anticipant les retombées sur les locataires, Anne Baehler Bech, présidente de l’ASLOCA Romande et secrétaire générale de l’ASLOCA Vaud, a déposé, elle aussi, une interpellation au Grand Conseil vaudois. Même réaction du côté d’Alberto Velasco, président de l’ASLOCA Genève, qui a lui aussi déposé une interpellation sur ce sujet au Grand Conseil genevois.
Espérons que les Conseils d’Etat de ces deux cantons soient plus proactifs que le Conseil fédéral!
Carlo Sommaruga Secrétaire général Asloca Romande