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Les mesures prises contre la propagation du coronavirus ne tiennent pas compte de la problématique des locataires. Les salariés, les indépendants et les locataires sont les premières victimes économiques de la crise liée à la pandémie du coronavirus. Comme première priorité, le Conseil fédéral a visé le maintien du revenu des salariés et des indépendants et le maintien de l’activité économique par le financement des entreprises. Pour les salariés, il a admis, pour éviter des licenciements massifs, l’usage des indemnités pour réduction de l’horaire de travail, de manière facilitée et sans délai d’attente. Le salaire est couvert jusqu’à 12 350 fr. par mois, mais il est indemnisé à 80%.
Secteur privé soutenu massivement
Pour les indépendants, il a prévu une indemnité journalière maximale. Le maximum est de 196 fr., ce qui correspond à une indemnisation à 80% d’un revenu mensuel de 7350 fr. Pour les entreprises, le Conseil fédéral a mis à disposition 20 milliards de francs d’aide immédiate sous la forme de crédits transitoires. Des crédits à taux zéro dont il est fort à parier que le remboursement sera progressivement abandonné au gré des faillites en raison de l’impossibilité de remboursement. En résumé, un subventionnement massif du secteur privé avec une aide pouvant aller jusqu’à 20 millions de francs pour les grosses entreprises.
Locataires abandonnés à leur sort
Pour les locataires…. A ce stade: rien! Nada! Sauf bien sûr une misérable prolongation de 30 jours à 90 jours du délai de mise en demeure de paiement du loyer en retard avant résiliation du bail. Un effet de manches du Conseil fédéral pour faire croire que l’on agit. Nous demandions une suspension des congés. Comment imaginer qu’un locataire d’un logement ayant perdu son emploi ou bénéficié d’un revenu à 80% puisse payer le loyer en retard et le loyer courant en trois mois, alors qu’en Suisse près de 1,5 million de personnes ont une fortune inférieure à 3000 fr.! Pour les locataires commerciaux il en va de même. Comment un coiffeur qui a fermé pendant trois mois pourra-t-il dès l’ouverture payer le loyer courant et rattraper ceux en retard? Aucune aide fédérale directe pour ces locataires de logements ou de locaux commerciaux, si ce n’est l’aide sociale pour les locataires de logements et, pour les locataires commerciaux, l’endettement ou la perte du bail avec fin de l’activité professionnelle, dans laquelle ils ont souvent investi toutes leurs économies.
Problèmes restés sans solutions
Mais d’autres problèmes importants subsistent et n’ont pas trouvé de réponse du Conseil fédéral. Tout d’abord, la question des délais de contestation des hausses de loyer et de résiliation du bail. Alors que tous les délais de procédure figurant dans le Code de procédure civile (CPC) ont été suspendus par une prolongation des féries judiciaires du 21 mars au 19 avril, les deux délais évoqués, qui sont inscrits dans le Code des obligations pour des motifs historiques, n’ont pas été prolongés. Un message clair du Conseil fédéral aux locataires qui doivent rester confinés: l’exercice de vos droits, on s’en moque!
Déménagements autorisés
Ensuite les déménagements et les évacuations. Le Conseil fédéral, qui répète à l’envi la distanciation sociale de deux mètres et l’impérieux devoir de rester à la maison, tout particulièrement pour les personnes à risque, a déclaré simultanément que les déménagements pouvaient avoir lieu… Le chaos assuré et des frais en jeu dès qu’un locataire ne souhaite ou ne peut quitter son logement: c’est pour cela que l’ASLOCA plaidait pour le gel des déménagements avec une dérogation en cas d’accord entre les parties.
Activité commerciale stoppée net
Mais l’enjeu financier le plus important est celui des loyers des locataires de surfaces commerciales qui ont dû clore leur activité dès le 17 mars. Avec une activité au point mort, il n’y a aucun chiffre d’affaires et aucun revenu. Mais le locataire doit faire face aux charges habituelles: salaires, loyer, impôts et charges sociales. Les salaires sont pris en charge par l’assurance-chômage dans le cadre de la réduction de l’horaire de travail, le paiement des impôts comme des charges sociales est suspendu. Mais, pour le loyer, rien. L’ASLOCA défend une position claire, fondée sur la doctrine majoritaire: les locataires dont les locaux ont été fermés en raison des mesures cantonales ou fédérales liées à la crise sanitaire du COVID-19 doivent être libérés du paiement du loyer et des charges pour la durée des mesures. Ils ont droit à une réduction totale du loyer si l’activité ne peut pas du tout être poursuivie et à une réduction partielle si l’activité peut être poursuivie partiellement. C’est une solution juste et équitable. Le locataire supporte ses charges et la perte de revenu et le bailleur la perte locative. Mais à ce jour le Conseil fédéral fait la sourde oreille, permettant aux bailleurs de continuer à encaisser, comme des pachas, les surprofits locatifs qu’ils touchent depuis des années suite à la décrue des taux hypothécaires. Nous conseillons instamment à ces locataires de refuser un abandon de leur droit à la gratuité du loyer avant que la question de principe ne soit réglée par le Conseil fédéral et de consulter sans faute l’ASLOCA avant toute signature d’une convention avec sa régie ou son bailleur.

Carlo Sommaruga

Président ASLOCA Suisse

1 avril 2020
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