La part du locatif en mains des coopératives est en baisse. Sans l’initiative de l’ASLOCA, il y a un fort risque de voir les sociétés appliquant la loi du marché accroître leur mainmise.
Ce 21 février, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié tout un grand nombre de chiffres et de tableaux sur la situation du marché du logement. Des données fort intéressantes qui montrent la pertinence de notre initiative «Davantage de logements abordables».
Propriété du parc locatif
Mais qui donc est propriétaire des logements locatifs en Suisse? Quel acteur économique détient la part la plus importante du marché immobilier locatif? On pourrait imaginer que ce sont en majorité des sociétés requins. La réalité est différente. En effet, contre les idées reçues, en 2018, au niveau national, 47% des logements locatifs, soit près de la moitié, étaient détenus par des particuliers et non par des sociétés. Les sociétés détenaient, quant à elles, 40% du parc immobilier locatif. Quant aux coopératives d’habitation, elles en possédaient 8,3%, en progression par rapport à 2017, et les pouvoirs publics 4,2%. Cette répartition est cependant différente selon les régions. Ainsi, par exemple, à Zurich, ce sont 14,6% des logements locatifs – soit un logement sur sept – qui sont en mains de coopératives, alors que cette proportion dégringole à 6,6% dans la région lémanique, soit seulement un logement sur quinze. Par contre, dans cette région lémanique, qui inclut Genève et Lausanne, la proportion des logements en mains des pouvoirs publics en 2018 est de 5,9%, alors qu’elle est bien plus faible dans les autres régions de Suisse. Si on cumule les logements locatifs en coopérative et en mains publiques, on est à 18,8% à Zurich, soit presque un logement sur cinq, et à 15,6% en Suisse centrale, alors que la région lémanique se traîne à 12,6%. Bon, il est vrai que le Nord-Ouest de la Suisse, soit la région statistique regroupant les deux Bâles et Argovie, est encore moins bien loti avec 9,6% de logements en mains publiques ou en mains des coopératives.
Et les investisseurs immobiliers?
Le sentiment diffus que nous avons tous que les sociétés immobilières, les fonds d’investissement ou les assurances sont les grands propriétaires du parc immobilier locatif trouve son fondement aussi dans les chiffres. Non pas dans la proportion globale, même si ce type de propriétaires est le deuxième le plus présent avec 40%, mais en raison de la progression fulgurante de la part du marché locatif en leur possession. En effet, alors que moins de 20% des immeubles d’avant 1946 sont propriété de sociétés, c’est plus de 54% des logements locatifs construits depuis 2000 qui sont leur propriété. Quant aux logements construits depuis 2000 en mains des coopératives et des pouvoirs publics, leur part est de 10,1%, soit la part que demande notre initiative populaire annuellement. Alors pourquoi donc s’inquiéter? Mais parce que la part du locatif en mains des coopératives est en baisse! Sans notre initiative, qui vise à produire 10% de nouveaux logements en coopérative chaque année, le risque est grand que les sociétés propriétaires, soit celles qui appliquent la loi du marché visant les rendements les plus élevés, accroissent leur mainmise, cela au détriment des locataires.
Loyers des coopératives
Mais pourquoi affirmer que c’est au détriment des locataires? Tout simplement parce que les loyers des logements de coopérateurs sont inférieurs aux loyers des logement de locataires. Les récentes statistiques le confirment une fois encore de manière éclatante. En effet, en 2017, alors que le loyer moyen suisse des logements de locataires se situe à 1339 fr. par mois, le loyer des logements de coopérateurs se limite à 1140 fr. par mois, soit une différence moyenne de 199 fr. par mois. Cela correspond à une différence de 15%. Si seulement 10% des 2,2 millions de ménages de Suisse pouvaient entrer dans un logement en coopérative d’habitation, il y aurait une faramineuse économie globale de loyers de 525 millions de francs par an (199 fr./mois × 12 mois/an × 220 000 ménages)!
De quoi donner le tournis et comprendre pourquoi les investisseurs immobiliers combattent si résolument notre initiative.
Carlo Sommaruga
Président de l'ASLOCA Suisse