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En rejetant l’initiative populaire de l’ASLOCA «Davantage de loyers abordables», le Conseil fédéral n’a pas pris en compte la réalité sociale de la population.
Rejet des privilèges. Le 12 février 2017, la classe moyenne a parlé. En rejetant un projet fiscal (RIEIII) qui accordait des cadeaux fiscaux aux entreprises multinationales, la classe moyenne et les milieux modestes ont dit: ça suffi t! Oui, ça suffit de voir les multinationales, les banques, les grandes entreprises, les gros actionnaires, les multimillionnaires – tous les fortunés de notre société – bénéficier d’encore plus de privilèges, alors que la classe moyenne se fragilise et voit son pouvoir d’achat diminuer.
La remise en cause d’aides publiques au niveau municipal ou cantonal, la volonté de reporter l’âge de la retraite à 67 ans, l’augmentation annuelle des primes d’assurance-maladie et – last but not least – la progression permanente des loyers, alors qu’ils devraient être 40% plus bas selon une récente étude de la Banque Raiffeisen, voilà la réalité sociale dans laquelle vivent la classe moyenne et les classes populaires et qui explique le ras-le-bol exprimé le 12 février dernier.
Vote des locataires
Le vote des locataires a aussi pesé dans le rejet de la RIEIII. Ceux-ci ont parfaitement compris que la réforme fiscale proposée allait mettre à mal les caisses des cantons et des communes. Or les locataires savent que ce sont essentiellement les cantons et les communes qui aujourd’hui financent le logement d’utilité publique et le logement à loyer abordable, soit par l’achat de terrains, soit par la construction ou la rénovation d’immeubles en leurs mains, soit par des politiques de loyers populaires adaptés aux revenus de chacun, soit finalement dans certains cas en versant des allocations logement pour les familles ayant des difficultés financières. Ainsi, le refus de voir ces politiques publiques du logement remises en cause, comme d’ailleurs les prestations fournies par les services publics, a été déterminant dans le vote du 12 février 2017.La surdité de Berne
Mais, à Berne, le Conseil fédéral et la majorité parlementaire semblent sourds et ne pas entendre cette exaspération sociale. Et cela au-delà des questions fiscales. L’illustration la plus patente de cette surdité politique du Conseil fédéral, c’est le rejet par le gouvernement, il y a quelques semaines, de l’initiative populaire de l’ASLOCA «Davantage de loyers abordables» et cela sans proposer de véritable contre-projet, mais en visant une augmentation des moyens financiers purement formelle, un simple miroir aux alouettes. La promesse financière ne résistera pas aux politiques d’austérité imposées par le Conseil fédéral lui-même et avalisées par la majorité du Parlement. Le peuple envoie pourtant des signaux clairs en matière de logement. Plus particulièrement sur sa volonté de voir des politiques publiques en faveur de la production et de la protection des logements à loyer abordable. On en veut pour preuve le résultat de votations sur le logement d’utilité publique qui ont eu lieu çà et là dans notre pays, ce même 12 février 2017.Volonté de logements abordables
Ainsi, le peuple vaudois a approuvé à 55% la loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL). Le souverain cantonal a décidé une densification majeure du bâti si des logements à loyer abordable étaient créés et l’octroi aux communes du droit de préemption qui leur permet d’acheter des terrains en priorité au prix du marché. A Emmen, commune lucernoise conservatrice, le peuple a décidé qu’à l’avenir les terrains en main de la commune ne seraient plus vendus, mais uniquement remis en droit de superficie. A Köniz, dans le canton de Berne, le souverain, contre l’avis de tous les partis bourgeois, a décidé que, lors de grands projets de construction, une part minimale de logements d’utilité publique doit être prescrite. La fixation d’un objectif de 10% de logements d’utilité publique sur l’ensemble de la production de logements en Suisse comme le veut l’initiative «Davantage de logements abordables», laissant une large souplesse dans la mise en application, répond de manière évidente à l’attende de la classe moyenne. Que nos autorités fassent enfin preuve de bon sens en matière de logement!Carlo Sommaruga Président de l’ASLOCA Suisse