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«Le locataire devient son propre concierge!»
«Je n’ai pas trouvé accueillante notre arrivée dans cet appartement il y a deux mois. La sonnette avait explosé, il y avait des fils qui pendouillaient et les restes d’un pétard dans la boîte à lait. J’ai dû tout nettoyer et téléphoner à la gérance pour obtenir un bon pour la sonnette. Pour chaque petite chose, il faut demander à la gérance. Et ce n’est pas toujours facile de les joindre.» Dégustant son thé vert dans le seul endroit du nouvel appartement familial où il pensait se sentir à l’aise, Olivier a la mine amer. «J’avais à peine fixé le tableau au mur de notre coin salle à manger lorsque j’ai réalisé qu’il y avait un bruit sourd et continu juste devant la fenêtre. La chaudière. Une bouche d’aération donne directement sur l’endroit où nous sommes à table. Parfois on ne s’entend plus. C’est désagréable. S’il y avait eu un concierge, c’est sûr, je serai allé lui parler après la visite avec la gérance et il aurait su attirer mon attention sur ce gros défaut. Sans oublier que par cette bouche d’aération passe également le bruit de la machine à laver. Dans cette maison, on peut la faire fonctionner 24 heures sur 24. Même à 3 heures du matin si on le souhaite, personne ne va oser rien dire et à qui pourrait-on se plaindre ? Le plus cocasse, c’est qu’il existe un planning pour la buanderie. Mais il est tellement mal fait – on nous a attribué la journée du samedi (!) – que j’ai préféré investir dans une machine à laver. Rien ne fonctionne bien. On sent une forme de laisser aller où le locataire doit tout prendre en charge.»
Un jour Olivier aperçoit un homme qui distribue des amendes sur les places visiteurs de son immeuble. Il sort pour aller le saluer et se souvient: «Ça m’a fait un choc, j’ai réalisé à ce moment-là que c’était vraiment un chef d’entreprise avec le natel collé à l’oreille lorsqu’il m’a tendu la main. J’ai tout de même attendu un moment pour me présenter, mais ça n’avait pas l’air de l’intéresser. Il m’a dit bonjour d’un air distrait. Il ne m’a même pas demandé si j’étais bien installé, il a juste continué à poser ses amendes sur les pare-brises. C’était juste hallucinant d’observer sa manière de faire. Il ne prenait même pas le temps de savoir s’il s’agissait de vrais visiteurs ou pas. Sympa. Un ami vient vous visiter et repart avec une amende et ce sera de nouveau au locataire de justifier auprès de ce chef d’entreprise qu’il s’agissait bien d’une visite. Nous sommes au rez-de-chaussée avec jardin. Du côté des chambres à coucher il y a une haie qui déborde sur le passage qui mène à la porte de l’immeuble. C’est du domaine public, mais sans la présence d’un concierge, c’est au locataire de tailler la haie, évidemment. Personne ne m’a non plus demandé mon nom pour commander une plaquette pour la boîte aux lettres. J’ai bien compris que c’était à moi de le faire. On a le sentiment de n’avoir plus d’interlocuteur, de vivre dans un no man’s land. Un concierge connaît la gérance, il connaît l’immeuble, les fournisseurs. Tout se fait facilement. Pour moi, le concierge est indispensable au bon fonctionnement d’un immeuble locatif, du point de vue technique, mais aussi sur le plan humain. Il assure une certaine cohésion. Philosophe, Olivier reste pensif et se demande si cela ne pourrait pas être un mal pour un bien finalement. Dans sa situation, il a bien fallu se rapprocher des autres locataires et ça c’est plutôt une bonne chose.
Propos recueillis par: Claire-Lise Genoud