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Alors que le 18 octobre 2015, date du renouvellement du Parlement suisse, approche à grands pas, s’impose le temps du bilan de la lutte pour la défense et la protection du locataire.
Le Parlement suisse n’a jamais été représentatif de la réalité sociale en matière de logement. Alors que les locataires représentent près des deux tiers de la population, les élus défendant leurs intérêts sont nettement moins nombreux sous la Coupole fédérale que ceux qui – en cheville avec les milieux immobiliers suisses ou cantonaux – défendent les intérêts des acteurs économiques immobiliers. En petit nombre certes, mais les défenseurs des locataires constituent un réseau efficace et bien coordonné au sein des deux chambres. Cela leur permet d’agir de manière efficace pour la défense des droits des locataires et la promotion de l’idée d’une politique fédérale du logement.
Les élus de l'ASLOCA
Parmi ces élus, il y a ceux qui assument des responsabilités nationales ou cantonales dans les organes de l’ASLOCA, comme Marina Carobbio (TI), présidente nationale de l’ASLOCA, Balthasar Glättli (ZH) et Carlo Sommaruga (GE), tous les deux vice-présidents de l’ASLOCA Suisse. Les locataires peuvent également compter sur les membres du comité de l’ASLOCA Suisse, notamment le Valaisan Mathias Reynard ou la Zurichoise Jacqueline Badran.
D’autres, tout aussi proches de l’ASLOCA, peut-être moins médiatisés sur la problématique des locataires, constituent cependant des relais indispensables dans l’action politique fédérale. On trouve au Conseil national la Fribourgeoise Ursula Schneider Schüttel ou le Vaudois Eric Voruz, qui met malheureusement un terme à sa carrière à Berne. Mais il ne faut pas oublier des personnalités comme Rebecca Ruiz (VD) et, au Conseil des Etats, Luc Recordon (VD) et Christian Levrat (FR). C’est sur ces élus que repose la mise en oeuvre de stratégies de résistance parlementaire des locataires contre les tentatives systématiques des milieux immobiliers de démanteler les protections contre les abus faits aux locataires tout en obtenant l’accaparement toujours plus intense de la rente foncière.
Tisser des liens
Ce réseau a été en mesure d’obtenir l’engagement sans faille du Parti socialiste et des Verts sur chaque objet parlementaire touchant à la défense des locataires. On songe à la fixation du loyer, à la protection contre les congés, à la promotion du logement d’utilité publique et des coopératives d’habitation, et enfin à une juste utilisation du sol pour la production de logements à loyer abordable. Ces élus ont su tisser des liens au sein de l’ensemble des groupes politiques et développer des argumentations solides permettant de créer à ce jour des majorités de refus de tout démantèlement des droits des locataires.
A droite, pas de soutien
Toutefois, il est évident qu’aucune majorité d’amélioration de la condition des locataires n’a vu le jour, même ponctuellement sur l’un ou l’autre objet. Si le PDC a soutenu – le temps d’un été en 2014 – l’idée d’introduire dans la loi un mécanisme de baisse automatique des loyers en fonction du taux hypothécaire, il y a renoncé sous la pression des milieux immobiliers et de l’inertie du Conseil fédéral. Quant au PLR et à l’UDC, ils se sont fait les relais inconditionnels des milieux immobiliers.
Si le PLR a été historiquement aux côtés des propriétaires immobiliers comme du patronat et s’engage pour défendre leurs intérêts économique, cela forcément au détriment des locataires et salariés, on relèvera la contradiction évidente de l’UDC sur la question du logement, qui s’oppose à toute amélioration de la condition des locataires, refuse toute régulation du marché pour favoriser les logements à loyer abordable tout en ne cessant de se déclarer le parti des petites gens.
Rapports de force politiques
Dans ce contexte politique, au cours de la législature, il n’a pas été possible de construire une majorité favorable à la consolidation des droits des locataires en matière de loyer ou de protection contre les congés, à une politique publique évitant l’explosion des loyers lors de l’assainissement énergétique des immeubles ou à une politique publique fédérale en matière de promotion de la construction de logements bon marché. Cette impossibilité de faire avancer les dossiers au Parlement compte tenu des rapports de force politiques a motivé le lancement par l’ASLOCA de l’initiative populaire «Davantage de logements abordables». L’aboutissement de cette initiative devrait permettre de modifier la dynamique parlementaire. Mais, si tel n’est pas le cas, ce sera au peuple de trancher et de rappeler à l’ordre les élus fédéraux. Cette donne n’empêche pas de déposer des propositions parlementaires concrètes comme celle de la Fribourgeoise Ursula Schneider Schüttel pour renforcer la protection des locataires âgés et handicapés.
Interventions individuelles
Ce contexte au Parlement, historiquement défavorable aux locatai res, ne doit cependant pas occulter les interventions individuelles des élus proches de l’ASLOCA, sous forme de questions, d’interpellations, de postulats, de motions ou d’initiatives parlementaires et par le travail systématique et de qualité des instances nationales de l’ASLOCA. La question du locataire a pu être ainsi maintenue au centre du débat politique.
Petit pas du Conseil fédéral
Le Conseil fédéral a institué un dialogue villes, cantons, Confédération sur le logement. Il a également proposé l’introduction – sur tout le territoire suisse et de façon pérenne – de la formule officielle de fixation du loyer à la conclusion du bail. C’est peu. Mais c’est la première fois depuis vingtcinq ans que le Conseil fédéral fait un petit pas en direction des locataires et entame une réflexion en matière de politique du logement à l’échelon fédéral. N’oublions pas que les interventions de l’ASLOCA Suisse – relayées par notre présidente et nos deux viceprésidents – ont permis de thématiser la problématique des mesures d’accompagnement en matière de logement dans le cadre de la discussion de la libre-circulation des personnes. C’est un acquis important car on ne peut pas imaginer une augmentation régulière et rapide de la population, avec les risques d’éviction de la population locale du marché du logement en faveur de nouveaux arrivants.
Ce n’est qu’en se montrant cohérent avec des mesures de protection du marché du logement que le Conseil fédéral et le Parlement réussiront à obtenir une majorité populaire en faveur du maintien de la libre circulation des personnes et des accords bilatéraux avec l’Union européenne, clé de voûte du succès économique de notre pays.