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Essentielles pour parer à l’urgence, des mesures contre la «crise humanitaire», parmi lesquelles l’électricité gratuite ou une allocation logement pour certains foyers, ont été prises en mars 2015 par le gouvernement grec.
Début mars 2015, le nouveau gouvernement grec Syriza annonçait des mesures contre la «crise humanitaire», notamment dans le domaine du logement. Ce premier pas vise à parer au plus pressé, mais la situation en Grèce illustre dramatiquement la nécessité d’une réelle politique sociale, aussi dans le domaine du logement.
Les mesures d’austérité imposées au gouvernement grec par les institutions européennes en échange d’une aide financière internationale ont notoirement failli à leurs objectifs, puisque la dette a continué de croître par rapport au PIB et que le pays s’est enfoncé dans la récession. Inefficaces, les plans de rigueur imposés par la troïka en 2010 et en 2012 ont en plus eu des conséquences dramatiques sur le peuple grec, mettant en péril ses droits fondamentaux: malades refoulés des hôpitaux faute de moyens, travailleurs non payés, etc. Le droit au logement ne fait malheureusement pas exception.
Revenus imputés et sans-abri par milliers
Depuis 2010, date du premier train de mesures de rigueur, le salaire moyen a baissé de manière drastique, tandis que le chômage explosait, allant jusqu’à toucher les deux tiers des jeunes! Face aux innombrables ménages incapables de rembourser leur prêt hypothécaire – plus de 100 000 –, le gouvernement a instauré un moratoire qui suspend la vente aux enchères des résidences principales de familles à bas revenus.La Grèce a ainsi évité les expulsions de masse comme en Espagne. Mais la solution n’est que temporaire: ces foyers restent sous la menace d’une levée du moratoire les exposant à l’expulsion. Et nombreux sont ceux à vivre sans chauffage ni électricité, coupés pour défaut de paiement.
Du côté des locataires, une minorité en Grèce, où 80% de la population est propriétaire, aucune protection semblable, au contraire: une loi de 2012 a même facilité et accéléré la procédure d’expulsion en cas de non-paiement du loyer, alors qu’il s’agit justement des franges les plus vulnérables de la population! Les rues se remplissent dès lors de nouveaux sans-abri – 20 000 selon les ONG, qui estiment que leur nombre a augmenté de 25% entre 2009 et 2013.
Pas de logement social
Dans ce contexte, au lieu de prendre des mesures pour garantir à tous l’accès à un logement décent, le précédent gouvernement grec a enterré – toujours sous pression internationale – le peu de politique du logement existante en abolissant l’OEK (organisme en charge du logement social) en février 2012. Pourtant financé non par l’Etat mais par des cotisations sur les salaires, cet organisme construisait des logements sociaux et octroyait des prêts subventionnés ainsi qu’une allocation logement. Les 120 000 familles qui touchaient cette allocation ainsi que tous ceux qui auraient dû bénéficier d’un logement social ont été laissés sur le carreau sans solution de remplacement.
En Grèce, la norme est d’être propriétaire, même avec peu de revenus. Alors, quand est instaurée, sous pression de la troïka, une taxe supplémentaire de plusieurs centaines d’euros sur toutes les propriétés, sans distinction de taille ou de revenus des occupants, c’en est trop pour des milliers de familles endettées, plus encore depuis la crise.
Syriza: l’espoir retrouvé
L’arrivée au gouvernement de Syriza va-t-elle enfin rétablir le droit au logement de tous en Grèce? Le nouveau gouvernement a promis de remplacer cette taxe par un impôt touchant les grandes propriétés. Dans l’immédiat, il a annoncé début mars 2015 des mesures contre la «crise humanitaire», parmi lesquelles l’électricité gratuite et une allocation logement pour certains foyers. Essentielles pour parer à l’urgence et replacer la dignité humaine avant le remboursement de la dette, ces mesures ne sont encore qu’un palliatif. Mais le ton est donné.
L’exemple grec montre la précarité d’un système basé sur le «tous propriétaires», système largement encouragé par les banques durant les dernières décennies. Il s’impose aujourd’hui de renverser la vapeur et de bâtir une réelle politique du logement social. Comme le rappelle l’International Union of Tenants, celle-ci doit s’adosser sur un parc locatif abordable et suffisant pour assurer «un logement pour tous», but central de toute politique du logement.
Carlo Sommaruga
Secrétaire général
Asloca Romande