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Etre chassé du logement que l’on occupe depuis vingt, trente ou quarante ans représente un stress que les acteurs du milieu immobilier ne cherchent pas à atténuer. Entre manque de vision et idées préconçues, la situation des locataires de plus de 65 ans ne va pas aller en s’améliorant. La population de Suisse vieillit. Selon une étude réalisée par la HES de Lucerne, «d’ici à 2020, une personne sur cinq aura plus de 65 ans et, d’ici à 2030, une personne sur quatre». Logiquement il n’est pas faux d’imaginer que de plus en plus de locataires seront des retraités. Les acteurs de l’immobilier ne semblent pourtant pas en être conscients, souligne l’auteure de l’étude, Dr Joëlle Zimmerli: «Ils ne développent aucune stratégie pour gérer ce changement, ne cherchent pas à connaître les besoins des retraités, ni ne les invitent à envisager un déménagement vers un appartement plus petit ou mieux adapté à leur mobilité allant se réduisant.» 32% des résiliations concernent les seniors Les résultats de l’étude lucernoise mettent en lumière un phénomène peu louable. «32% des résiliations de bail touchent les plus de 65 ans alors qu’ils ne représentent que 12% de la population.» Comment expliquer une telle situation? Pour l’auteure de l’étude, il existe plusieurs explications, notamment le fait qu’au bout d’un certain nombre d’années un propriétaire se doit d’effectuer des transformations. Il en profite – trop souvent – pour résilier les baux afin de pouvoir relouer plus cher à des candidats plus jeunes. Manque de vision de l’avenir du marché locatif Joëlle Zimmerli regrette ce manque de vision de l’avenir du marché des locations. Plutôt que de chercher à diversifier la population d’un immeuble, les gérances préfèrent attribuer au premier venu montrant sa fiche de paie. Et ce ne sera certainement pas un candidat de plus de 65 ans. Tout simplement parce qu’il n’a plus de fiche de paie, mais des rentes (AVS, 2e pilier, 3e pilier et prestations complémentaires) et que les gérances le considèrent – à tort – comme moins solvable. Quand on observe l’instabilité du marché du travail et les changements professionnels qui s’accélèrent dès les premières années hors du cocon de la formation, on se demande ce qu’attendent les acteurs immobiliers pour se pencher sur la question de la stabilité et de la solvabilité des locataires du troisième âge, voire du quatrième âge. C’est sûr, plus on prend de l’âge, plus on a besoin de temps pour se décider et évidemment pour entreprendre un déménagement et vider un espace où l’on a pris ses habitudes de vie. A la vitesse d’Internet Tout va trop vite de nos jours et rien ne favorise l’accès à un nouveau logement aux personnes qui n’ont plus 20 ans. Même les communes ne s’en préoccupent guère. Ne serait-ce pas à elles de lancer des campagnes pour sensibiliser les seniors à penser à leur retraite tout en restant dans leur village ou leur quartier avant qu’ils n’aient plus l’énergie de le faire? Aujourd’hui, pour obtenir un logement, on ne peut plus échapper à la Toile. Il faut y suivre les tendances. Selon l’étude Wohnung de la Ville de Zurich «40% des retraités de plus de 65 ans utilisent Internet et seulement 20% des plus de 80 ans». En moins de dix ans, on est passé des petites annonces dans le journal aux moteurs de recherche, suivis des sites d’offres et de demandes comme Anibis ou Ricardo. Obsolète ce genre de sites est en train de céder son espace virtuel à des plates-formes d’échange qui montent comme Ronorp ou La vie dans ta ville. Hyper tendance outre- Sarine. Plus cool, plus design, plus lisible d’un seul balayage visuel, il scotche l’internaute à l’écran et l’absorbe. Gagné! Ou alors Facebook, pas le mur de sa propre page car beaucoup trop limitatif, mais des groupes sur lesquels on peut s’inscrire et être informé d’une nouvelle offre. «Capté?» lance Camilla, 27 ans, qui a «liké» les groupes Facebook concernant les logements vacants à Lausanne et balancé en même temps sur son profil WhatsApp qu’elle libérait son studio zurichois pour informer d’un coup d’oeil tous ses contacts!   «18,7% des locataires de la Ville de Genève touchent l'AVS» Interview de Sandrine Salerno, conseillère administrative en charge du département des finances et du logement à la Ville de Genève. Est-ce que la Ville de Genève a pris des mesures pour éviter qu’un locataire de plus de 65 ans doive quitter son logement? Les loyers sociaux pratiqués en Ville de Genève font que les personnes à l’AVS (voire au bénéfice des prestations complémentaires) ont un loyer calculé en fonction de leurs moyens. Cela permet de conserver une proportionnalité entre le loyer demandé et les revenus des personnes âgées, et évite ainsi les éventuelles problématiques de résiliation pour arriérés de loyer. Quant aux cas de sous-occupation manifeste (par exemple une personne seule dans un appartement de cinq pièces), ils sont très rares et se règlent toujours à l’amiable. Soit une solution de relogement est possible et acceptée par la personne âgée, qui souvent demande elle-même à changer pour un logement plus petit, soit la sous-occupation est tolérée. Au final, je n’ai connaissance d’aucune situation depuis 2009 où un locataire de plus de 65 ans ait dû quitter son logement sous la contrainte. Est-ce que la Ville de Genève a été amenée à devoir reloger des personnes de plus de 65 ans qui avaient été expulsés de leur logement? Nous ne tenons pas de statistiques sur ce point, je ne peux donc pas vous répondre. Quelle est la proportion des locataires de la Ville de Genève de plus de 65 ans? 18,7% de nos locataires touchent l’AVS. Quelle est votre politique en la matière? La Ville de Genève déploie depuis de nombreuses années une politique sociale du logement, dont l’objectif est de permettre aux personnes, qui ont le plus de difficultés à obtenir un bail auprès de propriétaires privés, de trouver un logement adapté à leurs besoins et à leurs revenus. Dans ce cadre, l’attention portée aux personnes âgées est naturellement forte. Pensez-vous qu’il faut protéger les locataires âgés de certains types de résiliation? Oui, bien sûr. La résiliation de bail peut avoir des conséquences dramatiques pour les personnes âgées. Souvent, elles vivent depuis des années dans leur logement; elles y ont construit une vie, elles y ont tous leurs souvenirs, leurs repères. Au choc immense de devoir quitter ce cocon s’ajoute la difficulté à trouver un nouveau logement. A Genève, avec la pénurie qui sévit, cela s’apparente à un véritable parcours du combattant. La seule exception me semble être le cas où une personne âgée voit sa situation financière changer drastiquement et qu’elle occupe ainsi un logement à caractère social alors que d’autres en auraient beaucoup plus besoin. Dans ces cas, l’âge précis est déterminant: si la personne a plus de 75 ans, il n’y a de toute manière pas de relogement sans son accord.
16 mars 2016
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