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Voilà! Voilà! Alors que la dernière session du Parlement fédéral prenait fin, coup sur coup, deux conseillers fédéraux annonçaient leur démission. Les démissions des deux conseillers fédéraux, calculées au plus près par les directions des partis concernés afin d’avoir le meilleur impact possible sur les prochaines élections, étaient une surprise annoncée. En effet, tout le monde s’accordait à considérer que, pour être efficace lors de la prochaine campagne électorale, l’entrée au Conseil fédéral de nouveaux membres devait intervenir au plus tard au début de l’année 2019, année électorale fédérale. Compte tenu du long processus interne aux partis de sélection des candidats à la candidature, les derniers jours de la session d’automne étaient les jours les plus propices pour l’annonce du départ de Johann Schneider-Ammann et de Doris Leuthard. Vrais problèmes politiques mis de côté D’un coup, malgré un terme d’annonce évident, la vie politique basculait dans un panégyrique national des démissionnaires, comme seule la Suisse les connaît. Plus un mot sur l’accord politique sur la fiscalité des entreprises supprimant les statuts spéciaux privilégiant les multinationales et le financement de l’AVS afin d’éviter le manque d’argent à venir au niveau des retraites. Oublié le débat sur les exportations des armes qui a vu au Conseil national une large coalition politique intégrant les socialistes, les démocrates-chrétiens, les bourgeois-démocratiques, les Verts et les Verts libéraux s’opposer à la volonté du Conseil fédéral de permettre les exportations d’armes vers des pays en guerre civile. Délaissé l’affrontement politique entre les conservateurs et les progressistes sur l’égalité salariale entre hommes et femmes qui a débouché in fine sur une loi à la portée plus que réduite. Bataille sociale oubliée Cette grand-messe nationale autour d’une femme d’Etat et d’un chef d’entreprise qui le resta tout au long de son mandat à l’exécutif n’a par contre même pas eu à effacer des médias le rejet des deux initiatives favorables aux locataires, puisqu’ils n’en ont pas parlé du tout! Ces initiatives, l’une destinée à protéger les personnes âgées contre les résiliations et l’autre à renforcer les droits des locataires quant à la contestation des loyers abusifs à la conclusion du bail, ont été refusées par la majorité bourgeoise et nationaliste du Conseil national. La bataille sociale pour le logement abordable pour tous et pour des conditions de vie dignes des personnes âgées n’est visiblement pas une priorité pour les médias. Visions et actions décevantes A notre tour de nous poser la question du bilan des deux démissionnaires. Pour les locataires, il faut le dire clairement, l’action de Doris Leuthard et de Johann Schneider-Ammann est une grande déception. Tous deux, empreints de la doxa libérale, ont toujours estimé que le meilleur moyen de disposer d’un marché du logement équilibré offrant à tous un habitat à prix abordable était de suivre simplement l’offre et la demande. Or cette vision idéologique est contraire à la réalité des faits. En raison de la catastrophe sociale de la libéralisation du marché, le Parlement suisse, jamais dominé par les étatistes, a fait marche arrière dès les années 1970 et a introduit une régulation. C’est donc avec soulagement que l’ASLOCA a vu le projet de révision du droit du bail porté en 2008 par Mme Doris Leuthard, axé sur le loyer initial du marché, échouer devant les Chambres fédérales. Du côté de M. Johann Schneider-Ammann, c’est son inaction face aux multiples demandes de mesures d’accompagnement en matière de logement à la libre circulation des personnes. Alors même que certaines de ces mesures étaient appuyées par le Dialogue Villes-Cantons-Confédération, ce fut le rejet complet, à l’exception de la proposition de l’introduction obligatoire de la formule officielle d’annonce du loyer précédent lors de la signature du bail et des voies légales de contestation. Mais le soutien de cette mesure par le conseiller fédéral ressemblait bien plus à la corde qui soutient le pendu qu’à un engagement politique. Aucun des deux n’a jamais porté l’idée de la mise en place d’une feuille de route nationale du logement en collaboration avec les cantons afin de favoriser des politiques nationales et cantonales vers la production et la protection de logements à loyer abordable. Changer la donne, c’est possible Une déception donc. Et il n’est pas certain que, compte tenu de la composition actuelle du Parlement, la déception ne soit pas aussi au rendez-vous en ce qui concerne les nouveaux élus! Pour qu’une politique plus favorable au locataire émerge, c’est la composition du Parlement qui doit être changée. Il sera possible de le faire lors des élections de 2019 en choisissant uniquement des listes électorales qui incluent des défenseurs des locataires. C’est aussi possible en se mobilisant et en mobilisant son cercle d’influence pour l’emporter lors du vote sur nos initiatives et les référendums contre la détérioration du droit du bail ou des lois cantonales protectrices de l’habitat populaire. Passer de la déception à l’action, c’est notre défi permanent!

Carlo Sommaruga

Président de l'ASLOCA Suisse

6 novembre 2018
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