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«Le logement au coeur de la lutte contre la pauvreté: un voeu pieux?» Complexité du sujet et volonté politique insuffisante se conjuguent au détriment des ménages pauvres dans notre pays.
Près de 600 000 personnes sont touchées par la pauvreté en Suisse. Un grand nombre d’entre elles vivent dans des logements trop chers, dans des appartements plutôt petits et pas toujours bien situés, une situation qui les maintient dans la pauvreté.
Ce constat vient d’être confirmé par les résultats d’une étude menée pour le compte des Offices fédéraux du logement et des assurances sociales dans le cadre du Programme national de recherche contre la pauvreté, www.contre-la-pauvrete.ch.
Inscrit dans la Constitution
L’accès à un logement approprié est l’un des objectifs sociaux inscrits dans la Constitution fédérale. Selon l’étude précitée, cet objectif est loin d’être atteint. Qui sont les ménages touchés par la pauvreté – leur revenu disponible est inférieur au minimum vital selon les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale – ou vivant dans des conditions précaires – leur revenu ne dépasse pas le minimum vital de plus de 20%? Essentiellement les familles monoparentales, les couples avec trois enfants ou plus, les personnes vivant seules, celles sans formation post-obligatoire ainsi que les personnes issues de la migration et les bénéficiaires de retraites modestes. Les ménages pauvres sont des mal-logés.
Selon les résultats de l’étude, les ménages pauvres sont proportionnellement plus nom-breux à occuper des logements de mauvaise qualité. Et surtout les coûts du logement représentent une charge trop élevée pour quatre ménages sur cinq. Ils dépensent plus de 30% de leur revenu brut pour se loger, ce qui est excessif. Cette situation n’a guère évolué de 2007 à 2012. On observe enfin que les conditions de logement de ménages défavorisés sont moins bonnes en milieu urbain qu’en milieu rural.
Les plus vulnérables
Parmi ces groupes sociaux exposés à un risque accru de pauvreté, certains sont plus vulnérables face à l’accès au logement. C’est le cas des personnes vivant seules et qui ont moins de 65 ans (31,2%) ainsi que les familles monoparentales (37,4%). La proportion de logements inadaptés est nettement plus importante pour les ménages d’origine étrangère que pour les ménages suisses. C’est également le cas des bénéficiaires d’une rente de vieillesse, même si certains peuvent recourir à leurs économies pour compenser des revenus insuffisants.
Mesures pour faciliter l’accès au logement
L’étude préconise deux types de mesures pour améliorer durablement l’accès de ces personnes au logement. D’une part, il s’agit de mesures en matière de financement – aide à la personne et à la pierre –, telles les contributions à l’abaissement du loyer fixées sur la base des besoins ou encore l’encouragement des logements d’utilité publique. D’autre part, il faut améliorer la sécurité du logement afin d’éviter les résiliations de bail.
Mesures en matière de financement
Un relèvement des plafonds pour les frais de logement (appliqués dans le cadre de l’aide sociale et des prestations complémentaires à l’AVS-AI) constitue une possibilité. Mais les auteurs parlent d’une solution à court terme. Ils craignent que les bailleurs ne réagissent en augmentant les loyers. L’autre solution réside dans l’encouragement à la construction de logements d’utilité publique accessibles aux catégories sociales touchées par la pauvreté. Car ces dernières n’y ont souvent pas accès. En effet, de nombreux projets de logements d’utilité publique sont plutôt destinés à la classe moyenne. Et plusieurs communes sont réticentes à accueillir sur leur territoire des populations pauvres, craignant une hausse de leurs dépenses sociales.
Mesures concernant la sécurité du logement
Le deuxième type de mesures concerne la sécurité du logement. Trouver un toit est une chose, encore faut-il ne pas le perdre en cas de difficultés, notamment financières. C’est un aspect difficile à améliorer, car la demande en logements à prix avantageux est très supérieure à l’offre, ce qui exclut de fait les ménages à risque du marché ordinaire du logement. Si les services sociaux offrent des garanties de loyer, il est nécessaire qu’ils appuient également ces ménages dans leurs efforts pour conserver leurs baux. Les responsables de ces services observent que les effectifs et les compétences sont insuffisants pour agir dans ces domaines.
Appuis non monétaires
Dans le cadre du Programme national contre la pauvreté, une autre étude s’est intéressée aux prestations de services non monétaires: le conseil et le soutien dans la recherche d’un logement, les services d’aide pour la sécurité du logement et le suivi et l’accompagnement des personnes aidées. Pour le premier domaine, il s’agit d’une assistance visant à aider les personnes concernées à trouver par elles-mêmes un logement. Ce type d’offres est proposé par les professionnels, mais il comprend un nombre croissant de projets de bénévolat. Les services sont gratuits et libres d’accès. Il s’agit aussi de convaincre les bailleurs de prendre en compte les demandes de ces personnes. Sur la base des expériences faites, les petits propriétaires sont plus faciles à convaincre que les régies immobilières (exclusion des candidats avec des revenus faibles et des dettes). Les coopératives «traditionnelles » sont beaucoup plus réticentes à accepter des locataires menacés ou touchés par la pauvreté, sauf si elles visent explicitement une mixité sociale.
Le deuxième type d’aide au logement et à la sécurité du logement est fourni exclusivement par des acteurs professionnels. L’objectif est de sensibiliser les propriétaires et les gérances immobilières à la problématique des personnes en situation ou de menace de pauvreté afin qu’ils acceptent de louer leurs logements à ce type de personnes. Il s’agit de prestations visant à aider ces personnes à rester dans leur logement, notamment en cas de conflits. Les services suivent les locataires et les mettent en relation avec des interlocuteurs comme les bailleurs, les concierges, les voisins, d’autres travailleurs sociaux.
Le troisième profil d’aide concerne le suivi et l’accompagnement de personnes dans des logements loués par le prestataire ou lui appartenant. L’offre comprend des lieux d’accueil et des logements d’urgence, des logements protégés ainsi que des formes de suivi individuel à domicile.
Mise en oeuvre des mesures
Pour les auteurs de l’étude, la mise en oeuvre et l’efficacité de ces mesures reposent sur deux facteurs déterminants: l’initiative de professionnels et d’organismes exerçant dans le domaine social au sein d’une commune ou d’une région ainsi que le soutien politique des communes qui subventionnent ces offres non monétaires. Les communes jouent donc un rôle clé.
Ces études fournissent des bases utiles pour une politique du logement plus active en faveur des groupes défavorisés. Mais nous avons déjà souligné la retenue des cantons dans ce domaine, à l’exception de Bâle-Ville. Les communes sont sollicitées. Vont-elles mobiliser des ressources à cet effet? A l’heure des restrictions budgétaires, on peut craindre que le budget social n’en fasse les frais.