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Enquêter sur une personne sans la consulter est illégal. Une mère s’en est émue. La nouvelle loi sur la protection des données restreint davantage ces pratiques.

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Les régies immobilières ont-elles le droit de se renseigner sur les locataires potentiels, dans leur dos ? C’est la question que se sont posée une étudiante jurassienne et sa mère, lorsque cette dernière a voulu se porter garante pour l’appartement que sa fille souhaitait louer dans une ville universitaire.

Un bailleur qui fouine au-delà des règles
«Les propriétaires vont beaucoup trop loin dans la sphère privée» s’insurge cette maman, Claudia Catellani, de Saignelégier (JU). L’intéressée a transmis les documents usuels à
la régie immobilière qui louait l’appartement convoité par sa fille et ses futurs colocataires. Mais le bailleur a ensuite procédé à d’autres vérifications, sans en avertir ni la garante ni la locataire. «Ils ont appelé mon propriétaire pour savoir si je payais bien mon loyer. Ils ont aussi contacté les ressources humaines de mon entreprise pour savoir si j’avais un contrat à durée indéterminée, si je recevais un treizième salaire et s’ils ne prévoyaient pas de me licencier», raconte Claudia Catellani. La Jurassienne n’a pas été informée de ces démarches par la régie, mais par son propriétaire et son employeur. Sa fille Sarah n’a pas non plus été consultée, ni même prévenue, que de telles vérifications étaient possibles, selon les dires de l’étudiante en travail social. Au final, la régie a estimé que le salaire de Claudia était insuffisant pour qu’elle se porte garante, et son dossier a été rejeté. Un autre parent s’est porté garant.

Devoir d’information obligatoire
Une telle situation, qui s’est produite au début de l’été, n’est pas légale au regard de la nouvelle loi fédérale sur la protection des données (nLPD), entrée en vigueur le 1er septembre dernier. Plus précisément, son article 19 prévoit un devoir d’information généralisé lors de la collecte de données. Autrement dit, quiconque souhaite obtenir des informations sur un tiers doit l’en informer au préalable, et préciser notamment la catégorie de données collectées. Ce devoir concernait jusqu’en août principalement les données sensibles, ce qui n’est pas le cas de la situation financière d’une personne. Une autre prescription ayant effet sur le droit du bail était toutefois déjà en vigueur avant le 1er septembre. En effet, la
loi prévoit un principe de proportionnalité, informe l’avocate active dans les domaines de la protection des données et du bail Marie-Laure Percassi. «Si le but est d’évaluer la
solvabilité de la personne, des fiches de salaire suffisent», estime-t-elle. Pour déroger à ce principe, explique encore la spécialiste, il faut un motif justificatif, comme le consentement de la personne, qui doit être donné librement. «Mais c’est à prendre avec des pincettes dans le droit du bail. Le locataire peut se sentir contraint d’accepter pour obtenir le logement», nuance la juriste.

Porter plainte est possible
Autre nouveauté apportée par la nLPD, une disposition pénale, désormais élargie, prévoit que les contrevenants au devoir d’information soient amendables. Un locataire confronté au cas vécu par Claudia et Sarah pourrait donc porter plainte. Une possibilité qui risque toutefois d’être peu exploitée dans la pratique. «Est-ce que le locataire va vraiment vouloir porter plainte s’il risque de se mettre à dos une régie ou un bailleur?», questionne Marie-Laure Percassi. Et de préciser qu’un autre recours juridique existe : une dénonciation auprès du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. En cas de suspicion de violation de la nLPD, celui-ci a la possibilité d’ouvrir une enquête et de prononcer des mesures administratives, obligeant par exemple le bailleur à informer les personnes concernées. Une autre voie pour que les droits des locataires soient respectés.

Nina Beuret
Journaliste
ASLOCA TransJura

22 novembre 2023
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