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La critique de la gestion du parc immobilier public ou des logements d’utilité publique est régulière. Ici, mise en avant par les milieux immobiliers, afin d’allumer des contre-feux destinés à occulter la systématique des loyers abusifs dans le secteur privé. Là, par des élus de droite, pour dénoncer un prétendu copinage dans l’attribution des logements en coopérative, alors que, dans le secteur privé, sans piston pas de logement. Sans compter la critique populiste qui discrédite de manière programmatique le travail des membres des autorités exécutives, notamment ceux chargés du logement. C’est un sujet qui d’ailleurs se vend bien médiatiquement. Il est un exutoire facile de l’intense frustration des locataires confrontés à la pénurie de logements abordables sur le marché privé et aux difficultés d’obtenir un logement social ou d’utilité publique. En Suisse romande, où la propriété d’immeubles d’habitation en mains publiques est plus fréquente, c’est essentiellement la gestion de ce parc immobilier qui est au centre de la critique. Le plus souvent, c’est une critique libérale qui se fait entendre. Une critique idéologique sans fondement factuel, invoquant la prétendue faible efficience et rentabilité de la gestion publique en comparaison avec les régies privées. C’est l’hôpital qui se moque de la charité! Comment entrer en matière sur une telle comparaison, alors que les entités publiques, en plus d’efforts constants d’efficacité administrative, assument pleinement leur rôle social tandis que les acteurs privés, loin de toute responsabilité sociale, appliquent des loyers abusifs et encaissent de manière indue des millions sur le dos des locataires. Ces critiques doivent être d’emblée écartées car sans pertinence et fondées sur des approches totalement biaisées. Les magistrats communaux ou cantonaux chargés de la construction et de la gérance de logements ont la lourde responsabilité de monter au créneau et de dénoncer les «fake news» du lobby immobilier et des idéologues libéraux. L’ASLOCA accompagne depuis longtemps ces magistrats dans la dénonciation des sophismes et des entourloupes rhétoriques en tout genre. Mais les critiques viennent aussi du côté des locataires. L’une des plus fréquentes est celle relative à l’impossibilité d’échanger les appartements, alors que cela permettrait une meilleure adéquation de l’espace habitable et des ressources du ménage. Rappelons toutefois que l’absence d’un droit pour les locataires à l’échange d’appartements ne relève pas de la responsabilité des bailleurs et gérants publics. C’est le choix politique des partis de droite qui – majoritaires au Parlement fédéral – refusent toute proposition allant dans ce sens, relayant ainsi les intérêts des milieux immobiliers. Malgré cette évidente responsabilité politique, la critique des locataires du secteur public à l'égard de leur bailleur ne dégonfle pas. Cela se comprend, car, le plus souvent, l’absence d’échange d’appartements aboutit à une résiliation du bail pour non-respect des critères d’attribution des logements. Il y a donc urgence à répondre au niveau local à cette demande de facilitation des échanges de logements entre locataires de régies publiques. On rétorque trop souvent que c’est trop compliqué et source d’un travail administratif disproportionné. Au moment de la révolution numérique qui touche aussi le secteur du logement, cette réponse est hors de propos. La gestion immobilière 4.0 est possible aussi dans les régies publiques. La mise au point d’une application, dont l’algorithme intégrerait toutes les conditions de revenu et d’occupation des logements, permettrait rapidement de mettre en relation les locataires dont les demandes d’échange correspondent. Elle répondrait à l'attente des locataires et déchargerait l’administration d’un travail fastidieux. L’application pourrait d’ailleurs servir aussi de plateforme de contact entre la régie publique et les locataires. En tout cas, une contribution à désamorcer une des critiques récurrentes des locataires.

Carlo Sommaruga

Président de l'ASLOCA Suisse

22 mai 2018
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