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Quelques questions à Thierry Apothéloz, conseiller administratif de la ville de Vernier.
Quelles mesures concrètes ont été prises ces dernières années par votre commune?
Même si la politique du logement relève traditionnellement d’une politique cantonale (aménagement du territoire, autorisations de construire, etc.), la politique communale de Vernier est centrée sur trois aspects: une politique immobilière par la construction et l’exploitation de logements via nos fondations communales (env. 250 logements, et 100 supplémentaires dans un proche avenir), une politique foncière d’acquisition et de remise de terrain en faveur du maître d’ouvrage d’utilité publique et une action sociale active auprès d’habitants. Cette dernière se caractérise notamment par un accompagnement social pour les personnes qui connaissent des difficultés en termes de logement (recherche, paiement du loyer, etc.). Nous avons aussi édité, en collaboration avec le Rassemblement pour une politique sociale du logement (RPSL), une brochure d’information aux locataires sur leurs droits et leurs devoirs en matière de droit du bail, une matière relativement complexe à traiter quand on n’est pas juriste. C’était une première à Genève.
Comment encouragez-vous la construction d’immeubles à loyer modéré?
Comme déjà dit, en assurant aux Fondations les meilleures conditions de financement. Nous développons également des structures de démocratie participative depuis de nombreuses années, tels que les «contrats de quartier», qui améliorent considérablement le vivre-ensemble et la cohésion sociale.
Y a-t-il encore un manque de ce genre d’appartements dans votre commune?
La pénurie qui affecte le marché du logement touche certainement toutes les catégories de logement. Il convient cela étant de souligner que Vernier abrite de nombreux logements à loyer bas que ce soit dans ses quartiers du Lignon, des Avanchets ou encore des Libellules. Le logement est une priorité pour la Ville de Vernier. Ma fonction de président de l’Association des communes genevoises m’a amené à créer un Fonds intercommunal du développement urbain (FIDU), qui soutient la construction de logements et d’équipements publics, et qui a été voté à l’unanimité des communes et du Parlement genevois.
Peut-on qualifier votre politique foncière d’active?
Oui, certainement, dans les limites de nos moyens communaux relativement faibles. Mais nous n’avons pas hésité dans le passé à faire usage du droit de préemption conféré par le droit cantonal, y compris pour faire réaliser des logements en mains d’une fondation sans but lucratif en lieu et place de simples logements à loyer modéré subventionné, en mains privées. Il s’agit d’un cas phare qui a fait l’objet d’un arrêt du Tribunal fédéral (ATF du 24 novembre 2008, 1C_30/2008). La Ville vient aussi récemment de proposer à une coopérative de développer un projet sur un terrain lui appartenant.
Arrivez-vous parfois à convaincre des investisseurs de modifier leurs intentions de construction afin que les loyers soient plus adaptés à la population de votre commune?
Les marges de manœuvre des communes sont limitées, les loyers en zone de développement étant contrôlés par l’Etat. Mais nous travaillons aussi beaucoup, en parallèle, à la qualité de vie dans les quartiers, comme ce fut le cas pour le projet Nouvelles Libellules il y a de cela deux ans, et qui a démontré que l’ambiance et l’atmosphère qui règnent dans un quartier sont parfois aussi importantes que le prix effectif des loyers. Les gens accordent en effet une grande importance à leur qualité de vie globale dans leur quartier d’habitation.
Les Nouvelles Libellules sont un projet novateur. Pourriez-vous en dire quelques mots?
Le quartier des Libellules est le quartier le plus précarisé du canton de Genève et depuis longtemps, il subit une mauvaise image, notamment médiatique. Il était primordial pour moi d’y redonner un dynamisme. Ainsi, avec la Fondation propriétaire Emile-Dupont et l’aide de la Confédération, du canton, de la Ville de Vernier et des fonds privés, nous avons
réalisé un programme de transformation du quartier: réhabilitation complète des appartements, création de lieux de rencontre, réaménagement de l’extérieur par la création de terrains de sports, de parcs et de jeux d’enfants. Nous avons déplacé le parking pour pouvoir créer de petites constructions accueillant des activités à destination des habitants. Ce dernier point est fondamental, car il permet de proposer du service public au cœur d’un quartier populaire.
La Confédération en fait-elle assez en matière de politique du logement selon vous?
La politique de la Confédération est notoirement insuffisante en la matière. Elle devrait intervenir par des appuis financiers notamment pour aider au démarrage de projets en aidant les collectivités publiques à acquérir du foncier. La surveillance sur le marché, en particulier dans les régions où sévit la pénurie, n’est pas satisfaisante dans le régime actuel du Code des obligations.
Propos recueillis par Henriette Schaffter