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Objectif: créer des liens

On a tous un objet chez nous que l’on utilise très rarement ou plus du tout. Pourquoi ne pas le prêter, le donner ou l’échanger avec autre chose? De nouvelles formes de solidarité entre voisins apparaissent, qui sont toutes des occasions de créer des liens entre les habitants d’un quartier ou d’un immeuble. L’économie sociale et solidaire est en train de changer le concept même de voisin. Mais il ne faut pas la confondre avec économie collaborative et économie du partage, qui se basent toutes deux sur des échanges pécuniaires. Ces termes, encore un peu confus pour la plupart d’entre nous, ne sont pas similaires. Il est essentiel de distinguer des concepts qui n’ont pas les mêmes valeurs: dans ce dossier on parlera de simples échanges entre voisins, système centré sur l’intérêt général et qui a pour ambition de créer du lien social et de rapprocher les membres de la communauté, sans aucun but lucratif. On part ici du principe que les voisins qui nous entourent sont les plus à même de pouvoir nous aider au quotidien. On vit les uns à côté des autres et on a tous quelque chose à offrir, un peu de temps à donner, quelque chose à partager. Internet a permis la création de nombreuses plateformes communautaires, qui encouragent ces partages. Voici un tour d’horizon des différentes sortes d’échanges entre voisins. Réseaux sociaux de proximité On s’inscrit sur un site (exemples: Peuplade, PROXiiGEN, Smiile, Nextdoor aux Etats-Unis, etc.) et on y donne son vrai nom et son adresse. Internet n’est plus alors utilisé pour connaître des personnes habitant à l’autre bout du monde, mais, au contraire, pour se mettre en relation avec les gens du quartier, les voisins, les vraies gens qui habitent la porte à côté. Ces applications permettent d’échanger des conseils sur le choix d’un jardinier, d’un médecin, d’une baby-sitter, etc. Certains veulent même encourager l’organisation d’apéros et de rencontres. Il s’agit donc d’une connexion qui offre un véritable échange humain, et donne la possibilité d’une rencontre en chair et en os. Les personnes âgées, en particulier, se servent de ces réseaux comme d’un moteur de convivialité. En Suisse il semblerait que nous sommes trop peu nombreux pour faire vivre de tels réseaux, mais il en existe tout de même. Dans les grandes villes, ils pourraient prendre de l’ampleur ces prochaines années. Boîte à livres Une boîte à livres, c’est un lieu d’échange de livres, sous forme d’une caissette à journaux, d’une cabine téléphonique reconvertie ou encore d’une étagère ou de cageots réaménagés. Ces boîtes à livres, qui sont de plus en plus nombreuses en Suisse, fonctionnent grâce à la participation citadine. Les participants se croisent, s’arrêtent, se rencontrant autour d’une étagère de livres en libre accès. Ce sont des lieux de partage. Si la plupart des boîtes sont installées sur le domaine public, certaines se trouvent au pied d’immeubles, dans des écoles, des crèches, des hôpitaux, des gares, des maisons de quartier, etc. Dans les cas d’installation sur un terrain privé, il faut demander l’autorisation au propriétaire ou à son représentant: agence immobilière, régie ou concierge. De nombreuses boîtes à livres ont été installées un peu partout en Suisse romande ces dernières années. En page 9, le cas de la ville de Lausanne.

Mon appareil à crêpes contre ton service à fondue Au lieu d’acheter tous les appareils ménagers possibles, genre spiraliseur, trancheuse ou gaufrier, pourquoi ne pas se les prêter entre voisins? Les motivations sont écologiques bien sûr, mais aussi économiques. Et le petit plus, c’est le contact noué avec le voisin avec qui on n’avait peut-être jamais échangé, ne serait-ce que quelques mots. La plupart des sites d’échange du style ont vu le jour récemment. Mais une association suisse, Pumpipumpe, a abordé le problème autrement, en créant des autocollants à apposer sur sa boîte aux lettres (voir page 8). Pas besoin de connexion Internet pour cette version-là des échanges entre voisins. C’est bien là finalement l’objectif de ces réseaux, créer des liens, des rencontres et des échanges, sur le terrain et pas seulement sur la Toile.

Quelques exemples de sites d’échange en Suisse: www.e-syrent.ch; www.sel-suisse.ch; www.keepinuse.ch _________________________________________________________________________________________________________________________________

Partager au lieu de posséder

L’association suisse Pumpipumpe veut encourager l’interaction sociale entre voisins par le prêt et l’emprunt d’objets qu’on utilise rarement. Interview de Sabine Hirsig, une des trois personnes à l’origine du projet. Comment vous est venue l’idée de ces autocollants? Nous savions qu’il existait des plateformes de partage d’objets aux Etats-Unis. Mais nous voulions qu’il soit possible d’échanger sans passer forcément par Internet. Nous avons eu l’idée des autocollants, qui se voient en passant dans la rue. C’est quelque chose de très local. Cela n’aurait pas tellement de sens d’aller emprunter une tondeuse à gazon à l’autre bout de la ville. Le but est de créer des liens entre les voisins proches. Nous avons donc créé Pumpipumpe il y a cinq ans et nous avons actuellement environ 25 000 personnes qui utilisent nos autocollants. Est-ce que cela fonctionne bien? Vous recevez des nouvelles des utilisateurs? Oui, ça marche bien. Certains nous suggèrent d’autres autocollants, nous demandent d’en créer car ils ont du temps à donner ou des services à proposer. Pour l’instant nous en restons au matériel de base à prêter. On aimerait garder l’esprit des échanges gratuits, on ne veut pas passer par l’argent mais rester dans un système basé sur la confiance. Donc on prête sa débroussailleuse par exemple, à n’importe quelle personne venant sonner chez nous? Le principe est basé sur la confiance, oui. Mais cela n’empêche pas de demander par exemple une pièce d’identité si on est un peu méfiant, ou même de refuser si on pense qu’il pourrait y avoir un problème. Nous laissons les utilisateurs définir les conditions de prêt et d’emprunt avec leurs voisins. Libres à eux de demander un gage pour plus de sécurité ou de remercier d’une façon ou d’une autre (par exemple en offrant un gâteau en guise de remerciement pour la forme à gâteau empruntée). Sur le fond, nous aimerions encourager le prêt et l’emprunt gratuit d’objets et espérons que tous les participants feront usage respectueux de l’offre généreuse de leurs voisins.

C’est un système qui fonctionne certainement mieux en ville qu’en zone rurale, n’est-ce pas? Oui, c’est clair. Notre objectif est d’ailleurs de créer des liens entre les voisins, qu’ils apprennent à se connaître et évitent des achats parfois coûteux pour quelques rares utilisations. Ces échanges se font peut-être déjà dans la campagne, où tout le monde se connaît. Mais il ne faut pas oublier que plus il y aura d’utilisateurs, mieux ça fonctionnera. Certaines personnes nous appellent pour nous dire qu’ils n’ont eu encore aucune demande. Les habitudes ne se changent pas du jour au lendemain, il faudra du temps pour faire évoluer les mentalités. Nous avons maintenant créé une carte recensant toutes les adresses des personnes ayant acheté les autocollants. Ce qui permet à chacun de voir où se trouve la prochaine tondeuse à gazon, des cartons à bananes ou encore une grande échelle. Au départ nous pensions qu’apposer les autocollants sur les boîtes suffisait, mais le phénomène est encore trop marginal dans certaines zones.

Plus d’infos sur www.pumpipumpe.ch

Boîte à livres: l'exemple de Lausanne

La commune de Lausanne soutient financièrement une association, La Voie des Arts, pour l’installation de boîtes à livres en ville. Elle veut clairement différencier l’activité de prêt des bibliothèques des actions de partage entre résidents, geste qui doit rester d’initiative privée et de proximité. Quelques questions à Xavier Vasseur, chargé du projet des boîtes à livres à Lausanne. Qui installe des boîtes à livres à Lausanne? Principalement des associations, la commune, des privés? Essentiellement notre association. Quelques associations de quartier et privés l’ont fait, mais c’est marginal. Est-ce que les échanges sont nombreux? Les livres sont-ils régulièrement renouvelés? Oui, des milliers d’ouvrages sont échangés par année! Qu’est-ce que cela amène d’après vous? Les gens lisent-ils vraiment plus? Echangent-ils d’autres choses parfois? Cela permet à des personnes qui n’ont pas l’argent pour s’acheter des livres d’en acquérir (et non de les emprunter à la bibliothèque). Nous avons maints témoignages de gens qui passent par curiosité et repartent avec des livres. Une dame âgée passe chaque semaine prendre cinq romans, un pour elle et quatre pour ses voisines plus âgées qui ne peuvent pas se déplacer mais aiment lire. Et comme les gens font parfois la file devant la cabine, ils échangent. J’ai moi-même discuté avec des gens de tous âges (3-80 ans), de toutes origines (touristes de passage, habitants, visiteurs) et de tous milieux (SDF, handicapés, jeunes cadres, familles, personnes âgées, etc.). Y a-t-il parfois des déprédations? Non. Parfois les personnes posent des sacs de livres au sol sans prendre le soin de les ranger. Nous n’avons eu aucune déprédation à regretter depuis le début du projet. Y a-t-il des boîtes à livres dans les immeubles, réservées finalement au proche voisinage? Oui, certaines entreprises le font. On nous a également signalé une boîte dans le hall d’un immeuble.

Propos recueillis par Henriette Schaffter

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Réaction des régies

Il semblerait que les régies ne soient pas vraiment acquises à ces installations et ne les permettent que rarement. Une des régies contactées réagit ainsi: «Bien que nous n’ayons jamais entendu parler de ce procédé, nous vous informons ne pas être favorables à cette installation. Le hall d’un immeuble est réservé aux différentes informations en lien avec la vie de l’immeuble (avis locataires, informations importantes diverses, coordonnées concierges et régie, etc.).». Vaut donc mieux prendre contact avec sa régie avant d’entreprendre les premières démarches d’installation d’une boîte à livres.    
30 janvier 2018
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