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Cela a commencé de manière anodine en 2020. Alors que la bataille politique parlementaire autour du droit du bail faisait rage, l’ASLOCA Suisse a été approchée par l’Office fédéral du logement (OFL). Sur mandat du conseiller fédéral Guy Parmelin, chef du Département de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), le directeur de l’OFL souhaitait nous rencontrer afin de présenter « un processus de discussion constructif sur l’ensemble de la loi sur le droit du bail ».

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Nous pensions que cette démarche visait d’une manière ou d’une autre à mettre en oeuvre une motion du Conseil des Etats pourtant refusée par le Conseil national. Celle-ci demandait au Conseil fédéral de procéder, après consultation des partenaires sociaux du logement, à un examen du cadre légal de fixation des loyers d’habitations et de locaux commerciaux. Mais aussi de présenter au Parlement un projet équilibré. Dans cette perspective, l’ASLOCA Suisse avait accepté de participer au processus de discussion. La première étape de ce parcours a été la mise sur pied en juin 2021 d’une table ronde. Dès l’annonce de la tenue de cette rencontre, l’ASLOCA Suisse a contesté son mode de représentation. En effet, la représentation des locataires était noyée dans une pléthore de représentants des milieux immobiliers, passant des investisseurs aux propriétaires, sans oublier les gérants. Un tel déséquilibre ne pouvait en aucun cas permettre d’espérer une discussion constructive.

C’est une évidence pour tout le monde que seule une approche paritaire des représentants des parties au contrat de bail, soit les locataires et les bailleurs, permet d’avancer de manière équilibrée et constructive. On en veut pour preuve que, dans le monde du travail, les négociations ont lieu entre les syndicats ouvriers et les organisations patronales, sans que les investisseurs ou les entreprises de gestion du personnel y participent. Plus problématique encore, la table ronde était articulée autour d’un sondage ayant pour but de démontrer que le droit du bail était trop compliqué et qu’il se justifiait de le simplifier. Ce sondage passait complètement sous silence les vrais problèmes des locataires de ce pays, à savoir le niveau trop haut des loyers, l’absence de répercussion des baisses du taux hypothécaire sur les loyers et les résiliations de bail en masse. Cela sous prétexte de rénover les immeubles, alors que le but stratégique est la hausse des loyers. Nous avons exprimé de manière très ferme nos critiques à ce propos. Nous avions espéré que et le conseiller fédéral Guy Parmelin et l’OFL recentrent le « processus de discussion constructif » en intégrant dans la discussion les réelles préoccupations des locataires.

Malheureusement, c’est l’inverse qui s’est produit ! Près d’une année après la table ronde et après une audition par le conseiller fédéral Guy Parmelin au cours de laquelle nous avons de nouveau évoqué l’approche bancale du processus et les besoins actuels et pressants des locataires, le DEFR nous a proposé de participer à un groupe d’experts. Toutefois, il est apparu que l’unique objectif de ce groupe de travail est la simplification de la méthode de fixation des loyers fondée sur l’application des loyers du quartier et des statistiques, c’est-à-dire une facilitation de la mise en oeuvre de la loi du marché. Une approche inacceptable destinée de toute évidence à vider la portée du droit actuel et à mettre à néant la jurisprudence du Tribunal fédéral que les bailleurs jugent trop sévère. La conséquence directe d’une telle approche est d’ores et déjà connue : une augmentation générale des loyers.

Aujourd’hui, ce qui est essentiel, c’est de renforcer et de faciliter l’application du loyer fondé sur les coûts et non pas celle du loyer du marché qui procure des rendements sans rapport avec les coûts réels auxquels font face les bailleurs. Le déséquilibre actuel du bail en faveur des bailleurs a d’ailleurs abouti en seize ans à un transfert indu de 78 milliards de francs des poches des locataires à celles des bailleurs. Qui plus est, les modalités de travail du groupe d’experts n’étaient pas fondées sur le principe du consensus, mais celui de la majorité, reléguant dès le départ les locataires dans la minorité. Drôle de manière de mettre en œuvre « un processus de discussion constructif ». Le comité de l’ASLOCA Suisse avait donc refusé de poursuivre ce jeu de dupes. Début septembre, le Conseil fédéral a lui-même tiré la prise, estimant « que les conditions nécessaires à la poursuite des discussions ne sont pas réunies ». Signe d’un processus mal conduit.

28 septembre 2022
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